J’ai énormément pratiqué les arts martiaux dans ma vie.
Le Karaté, adolescent. Au moins deux heures, jusqu’à ce qu’un costaud me fasse passer une paire de baffes pas répertoriées dans les annales de la discipline ; la Boxe Thaï, une bonne demi-heure, le temps qu’on me dise qu’il fallait que je me renforce les tibias en tapant sur une poutre ; le Judo, plus tard, à l’université, jusqu’à ce que le prof se déchire douze ligaments croisés en compétition la veille de notre passage de ceinture jaune.
Et l’Aïkido, enfin, le seul art martial authentiquement non-violent. Le seul aussi où l’on trouve plus de pratiquantes que de pratiquants. Le bonheur.
Car tout n’est que douceur en Aïkido. La compétition est proscrite. Une chute parfaite est une chute qui ne fait pas plus de bruit sur le tatami « qu’une feuille qui tombe ». Une prise parfaite est celle qui ne fait pas mal à l’adversaire tout en le dissuadant de vous en faire, à vous. On ne frappe que quand on a épuisé toute autre solution.
L’aïkidoka ne veut détruire personne. Il veut simplement conserver l’harmonie de l’univers. Harmonie que vous détruisez en l’attaquant. Et qu’il détruirait lui aussi en vous détruisant, ou même en stoppant brutalement votre attaque. C’est pourquoi l’aïkidoka ne s’oppose pas ; il esquive, il détourne. Il use de la puissance et de la vitesse de son adversaire pour précipiter sa chute, tout en rondeur, tout en douceur. Jusqu’à ce que son ennemi, écoeuré, n’ait plus d’autre solution raisonnable que de lui offrir un pastis pour se faire pardonner.
Il n’y a pas d’adversaire en Aïkido. Seulement des partenaires.
Pratiquez donc l’Aïkido au jardin. Que votre main sur le sol ne fasse pas plus de bruit « qu’une feuille qui tombe ». Que même la plus tenace des « mauvaises » herbes ne soit pas pour vous objet de haine. Que le temps qui s’écoule et souvent varie soit votre plus sûr allié, au lieu de vous donner des cheveux blancs. Que chacun de vos gestes soit destiné à préserver l’harmonie, plutôt qu’à la détruire.
On peut bien sûr martyriser le sol, comme ses tomates, arracher brutalement toutes les plantes qui ont l’outrecuidance de pousser hors de notre volonté.
Mais plutôt que de contraindre le sol à donner contre lui-même, ne vaut-il pas mieux utiliser toute la vie qui grouille en lui et ne demande qu’à vous aider ? Bêcher, à quoi bon, alors que les vers de terre labourent si bien ? Eradiquer les plantes sauvages, pour quoi faire, alors que toutes sont utiles ?
Pourquoi ne pas utiliser la force des adventices et chercher à entendre ce qu’elles nous apprennent : si elles poussent si vite, si haut, si leurs racines sont si puissantes, c’est parce qu’elles ont une capacité extraordinaire à fixer minéraux et matière organique, éléments dont le sol, votre sol, a un besoin absolu. Si elles prolifèrent à certains endroits et pas à d’autres, c’est parce qu’elles sont capables d’aller chercher au fond du sol ce qui manque justement à sa surface. Aucune plante sauvage n’est là par hasard. Toutes ont une bonne raison d’être là où elles sont, et toutes ont pour effet de rétablir l’équilibre du sol, à condition de les laisser travailler pour vous.
En détruisant inconsidérément les « mauvaises » herbes, vous rompez l’harmonie de votre jardin, et les mauvaises herbes reviendront plus fortes pour rétablir l’harmonie. Il faudra les arracher encore et encore. Certes, il paraît qu’il faut imaginer Sisyphe heureux, mais bon. Laissez une place aux plantes sauvages dans votre jardin, vous le rendrez plus fort et vous n’y perdrez pas votre énergie.
Vos plantes sont malades, attaquées par des parasites ? Pourquoi ne pas comprendre que c’est normal. Face au déséquilibre de l’écosystème qu’est votre jardin, les maladies et les parasites attaquent les plantes trop faibles, pour les remplacer par des plantes plus fortes capables de travailler à rétablir l’harmonie…
Ce n’est peut-être pas par hasard si Morihei Ueshiba, fondateur de l’Aïkido, et Manasobu Fukuoka, premier expérimentateur de la permaculture, sont nés dans le même pays.
Alors, la prochaine fois qu’une plante ou une maladie agressera votre jardin, demandez-vous d’abord ce qu’elle veut vous dire, puis à quoi elle peut servir, et enfin, comment son énergie peut vous aider à rétablir l’harmonie. Ne frappez que si vous avez épuisé toute autre solution.
A quoi cela sert-il d’avoir un jardin, si c’est pour y faire la guerre ?
« En Afrique, quand on a du 4 tonnes hectare on s’inquiète »
Pardonne-moi, mais je me demande bien où tu as trouvé ces chiffres. Si les Africains avaient du 4 tonnes hectare, ils seraient tirés d’affaire. Actuellement, on en est à espérer passer à 3,5 tonnes hectare en moyenne avec le nouveau riz Nerica qui est censé doubler, voire tripler les rendements :
« Grâce à cet effort collectif, l’Initiative sur le riz africain vise à faire passer, d’ici à 2006, la superficie totale des cultures du Nerica de 24 000 hectares (en 2002) à 210 000 hectares. Avec le rendement moyen du Nerica, cela devrait donner une production d’environ 750 000 tonnes par an, ». Je ne sais même pas si cet objectif a été atteint.
http://www.un.org/french/ecosocdev/geninfo/afrec/vol17no4/174ricefr.htm
Fukuoka sortait 6 tonnes à l’hectare, plus les oeufs.
Et des techniques de riz + poisson + oeufs sortent 6 à 8 tonnes de riz + 80 000 oeufs (de canard, eq 120 000 oeuf de poule)+ 1,3 tonne de poisson à l’hectare : http://www.fao.org/AG/aGA/AGAP/LPA/Fampo1/freecom4.htm
La permaculture est aujourd’hui fermée à la mécanisation parce qu’il n’y a que des petits producteurs de type baba cools qui s’y intéressent. Si les agronomes et les gros agriculteurs s’y intéressaient au lieu de la mépriser, elle s’ouvrirait. C’est d’ailleurs ce qui se passe quand des céréaliculteurs se mettent au semis direct. D’un seul coup, la permaculture les intéresse.
« Tu prêtes un peu trop d’ambition à cet article. Il ne parle que de jardinage, pas de nourrir la planète. »
désolé, j’ai donc dévié, j’ai cru y déceler des géénralités qui n’en étaient pas.
Il est vrai qu’il est ridicule de traiter un jardin comme un champs en culture intensive…
« La permaculture nécessite plus de main-d’oeuvre, effectivement. De là à dire qu’elle ne nourrit que son homme, je ne suis pas d’accord. D’ailleurs, je pense que tu n’as pas compris la permaculture : elle ne s’oppose pas (à la mécanisation, aux ogm…) a priori : elle essaie de réaliser une synthèse de connaissances scientifiques actuelles et de savoirs anciens. »
J’ai étudié un peu le système, et en l’occurence, il est plutôt fermé ; pas opposé à la mécanisation et aux OGM dans les termes, mais complètement dans la démarche.
Pour ce qui est du bilan, à savoir que la perméaculture nourrit son homme, point barre, c’est le bilan des exploitations modèles.
Si je n’ai pas fait d’erreur de conversion, Fukuoka avait du 2,4 tonnes hectares avec sa variété de riz sélectionnée détruite par l’armée, et qu’on ne pourra donc jamais évaluer.
En Afrique, quant on a du 4 tonnes hectares on s’inquiète. Le potentiel est plus proche de 8 tonnes hectares que de 2.
Tout ça avec des méthodes qui requièrent beaucoup d’attention ; pas des travaux demandant particulièrement de force ( pas de labourage ) mais des travaux longs, cf l’enrobage des semis et cie…
Quant à ce qu’il y a devant nous, cela ne mange pas de pain ; on pourrait aussi bien dire que l’apocalypse nous attends, ça n’aurait pas plus de sens. Une chose est sûre : non, l’âge d’or, c’est pas aujourd’hui, en tout cas, pas pour la majorité.
Re-re bonjour, Ryuujin,
Tu prêtes un peu trop d’ambition à cet article. Il ne parle que de jardinage, pas de nourrir la planète.
Je réponds quand même au reste.
La permaculture nécessite plus de main-d’oeuvre, effectivement. De là à dire qu’elle ne nourrit que son homme, je ne suis pas d’accord. D’ailleurs, je pense que tu n’as pas compris la permaculture : elle ne s’oppose pas (à la mécanisation, aux ogm…) a priori : elle essaie de réaliser une synthèse de connaissances scientifiques actuelles et de savoirs anciens. Parce que les premières seules ne suffiront plus, et peut-être à court terme… Elle garde ce qui est pertinent dans le double but de nourrir et de préserver.
Quant à l’âge d’or devant nous, jeune Ryuujin, je souhaite que tu aies raison. J’ai quant à moi l’impression qu’on est en plein dedans, et qu’on aura bientôt mangé notre pain blanc.
Il doit y avoir une incompréhension totale de l’agriculture moderne à la base de cet article.
Le but de cette agriculture, c’est de nourrir une énorme population qui ne veux plus cultiver sa propre nourriture.
Parceque bon, c’est bien joli la perméaculture, mais ça ne nourrit que son homme ; c’est bien égoiste en comparaison d’une agriculture qui permet à une personne d’en nourrir 8, et qui permet à un pays tel que la France de ne plus connaitre de famine au point que sa population en a même oublié à quoi servent les pesticides ( à la base, garantie des récoltes, cad garantie qu’on aura pas une année sans récolte à grande échelle ).
Pourquoi l’agriculture est une course en avant ? parceque la nature n’a en fait rien d’une corne d’abondance ; pour y survivre, il faut s’y faire une place, et le prix qu’on paye actuellement, ce n’est rien d’autre que celui de notre population, du fait de pouvoir vivre sans manquer de nourriture.
L’âge d’or, il est devant, surement pas derrière, à moins d’accpeter des sacrifices humains cette fois-ci, et plus écologiques.
> A quoi cela sert-il d’avoir un jardin, si c’est pour y faire la guerre ?
Peut-être parce que les pelles peuvent aussi servir à faire des tranchées ;o)
En tous cas, j’aime bien la formule.
J’ai consulté hier l’encyclopédie des plantes bio-indicatrices. Dans l’ensemble, notre terrain est trop riche en matière organique, trop tassé et trop humide, selon les plantes. C’est à peu près ce que nous avions pu deviner en y plantant une bêche.
On verra l’an prochain si les plantes qui y poussent sont différentes, après décompactage..