Plus on est de fous, moins y’a de riz

Croyez-le ou pas, mais ce n’est pas forcément être catastrophiste que de dire qu’il y a, à court terme, un souci pour nourrir la planète qui se profile.

La faim, me direz-vous, ce n’est pas un problème nouveau. Ca fait un moment que le Sahel et la corne de l’Afrique se débattent avec des famines récurrentes. L’inde a connu des moments difficiles, et d’autres pays ont connu des grands bonds en avant qui se sont révélés d’épouvantables gamelles.

Pour autant, poursuivrez-vous, le 20ème siècle a vu se résoudre bien des problèmes, et s’il n’y avait pas toutes ces guerres, ces gouvernements corrompus et un problème récurrent de partage des richesses, nos capacités de production nous permettraient largement d’assurer l’alimentation de 6 ou 7 milliards d’humains.

Tout ceci est parfaitement vrai, et le dernier quart du 20ème siècle a sans doute été, depuis l’invention de l’agriculture, la période de l’histoire de l’humanité durant laquelle on a produit le plus de nourriture par tube digestif en fonctionnement. A tel point qu’il a fallu imposer des quotas aux agriculteurs sur certains produits. Et l’année 2000 s’est terminée avec les stocks de céréales parmi les plus importants de toute l’histoire.

Avec l’apparition des OGM, l’amélioration des techniques, le début du 21ème siècle semblait bien parti pour être enfin le moment tant attendu où la faim serait vaincue, pour peu que soit consenti un dernier effort collectif.

Pourtant, les premières années du siècle se sont révélées calamiteuses.

Non seulement la quantité de pauvres et d’affamés ne diminue pas, mais la production de céréales plafonne, tandis que la population continue d’augmenter, et que la demande de grain à des fins d’élevage explose. Résultat, les stocks ont été divisés par deux en 6 ans, tombant cette année à 57 jours de consommation, leur pire score depuis 30 ans. Pire, la production pourrait même diminuer dans un avenir proche : les deux tiers des sols cultivés dans le monde sont en cours de déstructurations et voient leurs rendements baisser lentement.

10 millions d’hectares sont définitivement stérilisés chaque année. La déforestation massive, 15 millions d’hectares, ne laisse annuellement un solde positif que de 5 millions à l’agriculture. Or, on estime qu’il faut 2000m2, soit un cinquième d’hectare, pour assurer l’alimentation d’un végétarien. C’est donc 14 millions d’hectares de terres arables qu’il faudrait trouver chaque année pour les 70 millions de nouveaux arrivants, sans compter le remplacement de la baisse de rendement des sols déjà utilisés, ni l’augmentation de la consommation de produits animaux.

Les grandes nappes phréatiques mondiales, aux Etats-Unis, en Inde, en Chine…sont menacées d’épuisement, et l’irrigation excessive salinise les sols. De plus, la hausse des prix de l’énergie augmente encore le coût des pompages de plus en plus profonds. De même qu’elle augmente le prix des engrais, des pesticides, et du travail mécanisé.

Les OGM ne tiennent pas leurs promesses en matière de rendements. Qu’on y soit favorable ou opposé, peu importe, le constat est bien là : ils sont pour l’instant parfaitement inutiles, quand ils ne mettent pas tout simplement en péril financier les agriculteurs qui les utilisent.

Du côté des océans, la production de poissons piétine lamentablement, alors que les réserves s’épuisent et que dans de nombreuses zones de pêches, le rendement menace de s’effondrer. D’à peu près 18kg de poisson par humain en 1990, on est déjà passé sous les 15kg. De plus, une part significative de cette consommation est aujourd’hui constituée de poissons d’élevage, qui n’ont pas les qualités nutritionnelles des poissons sauvages.

Et cerise sur le gâteau, ce sont les écologistes eux-mêmes qui s’apprêtent à porter le coup de grâce à la sécurité alimentaire mondiale : la production de biocarburants entre dangereusement en concurrence avec la production alimentaire. Avec pour premier effet de faire exploser les cours du sucre, utilisé pour la fabrication d’éthanol.

L’avenir ne s’annonce guère meilleur. Il y a certes quelques marges de manœuvre : côté production, remise en culture de jachères dans les pays occidentaux, abandon des quotas, investissements rendus possibles par la remontée des cours… mais toutes ces actions risquent surtout d’avoir un effet désastreux à moyen terme, c’est-à-dire l’augmentation de la pression sur les écosystèmes. Côté consommation, il est toujours possible de réduire la part des produits animaux dans le menu occidental, ce qui aurait par ailleurs sans doute des effets positifs sur la santé. Mais des filières professionnelles entières pourraient alors se trouver menacées, et on peut faire confiance à l’efficacité des lobbies de l’agro-alimentaire pour retarder autant que possible la diminution de la consommation.

Il y a donc fort à parier, si on continue à dégrader les terres arables et les océans au rythme actuel, que le premier quart du 21ème siècle verra le retour d’un vrai problème de production alimentaire. Pour les océans, la réponse est surtout politique et internationale, il faudrait mettre en place de véritables réserves marines. Sur le plan individuel, elle se place surtout du côté des habitudes de consommation : certains poissons peuvent encore être consommés sans trop de risque, d’autres pas.

Sur le plan agricole, il est urgent d’apprendre ou de réapprendre des méthodes de culture respectueuses des sols, que ce soit au niveau des grandes cultures, avec le semis direct sous couvert, ou sur des surfaces plus réduites, avec d’autres méthodes de culture respectueuses des sols. Et si possible des méthodes adaptées à l’endroit où on pratique l’agriculture. Demander à l’Ethiopie de copier la Beauce est une absurdité.

Si nous ne changeons pas d’urgence notre manière de procéder, j’ai bien peur que la production des murs à pêches, quoiqu’en hausse constante, ne suffise pas à renverser la tendance.

6 commentaires sur « Plus on est de fous, moins y’a de riz »

  1. Une nouvelle toute fraîche aujourd’hui (31 octobre) : http://www.rfi.fr/actufr/articles/082/article_47141.asp

    In extenso, puisqu’elle est brève :

    « Le monde est plus riche, les affamés plus nombreux.
    Selon le rapport publié lundi par l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), plus de 854 millions de personnes restent sous-alimentées (moins de 1 900 calories par jour) malgré l’augmentation de la richesse mondiale depuis dix ans. La situation s’est nettement aggravée dans les pays en développement et très particulièrement en Afrique centrale. La FAO estime désormais impossible d’atteindre les objectifs définis il y a dix ans au sommet de Rome, qui ambitionnait de réduire de moitié la faim dans le monde. »

  2. Ce n’est pas parce que j’ai mis un seul exemple qu’il est isolé :
    http://www.infogm.org/article.php3?id_article=1767
    http://www.amisdelaterre.org/article.php3?id_article=1646
    http://www.hns-info.net/article.php3?id_article=9459
    http://www.infogm.org/article.php3?id_article=988
    http://www.infogm.org/article.php3?id_article=16
    http://www.agronome.com/article.php?sid=356

    Pour l’instant, les Ogm ont des rendements au mieux comparables aux variétés conventionnelles. Vu leur prix beaucoup plus élevé, ils ne sont pas une bonne affaire à long terme :
    http://www.fairelejour.org/article.php3?id_article=89

    Quant au bilan des épandages d’herbicides, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas probant non plus :
    http://www.agrobiosciences.org/article.php3?id_article=1332

  3. C’est curieux comme raisonnement.

    A partir d’un exemple de colza OGM qui ne représente rien à l’échelle de l’agriculture OGM mondiale, tu conclues que tous les OGM ne tiennent pas leur promesse ?

    Pourtant, les OGM continuent de progresser : faut-il y comprendre que les agriculteurs sont majoritairement cons, et qu’ils ne savent même pas voir que leurs rendements diminuent, ou qu’ils perdent de l’argent ?

    Pourtant, les bilans positifs ne sont pas rare ( cf soja résistant au glyphosate aux USA, coton BT au Mexique etc… ) ; tous les scientifiques sont-ils pourris ?

    A ce propos, la seule promesse du colza résistant à un herbicide, c’est la baisse des quantités d’herbicides totales utilisées.
    La note d’info-OGM n’en parle même pas ; elle n’apporte donc aucune information quant au respect de la promesse de ce colza.
    Il aurait fallu qu’ils nous parlent plutôt du bilan des épandages d’herbicides.

  4. « j’ai bien peur que la production des murs à pêches, quoiqu’en hausse constante, ne suffise pas à renverser la tendance.  »

    Bien sûr que si. C’est la révolution d’une seule planche de culture. Tu montre la culture en butte à 30 personnes par jour, qui vont ensuite dans leur village natal et l’explique à 30 personne dans le village. En même temps, tu leur explique les bases : on mange trop, on mange trop de viande, etc…
    En quelques mois, tout le pays est au courant et tend vers la végéculture biointensive, en manegant moins, et moins de viande. Ce qui ne met pas pour autantau chomage les agricoolteurs qui utilisent un 750A. La famine on en reste loin , la foret repousse, l’humus revient dans les champs, le changement climatique est évité.

  5. Et en plus, j’ai pas pris en compte les risques causés par d’éventuels changemetns climatiques. Une étude avait déjà montré que le rendement du riz avait perdu 10% aux Philipines du fait du réchauffement.
    Finalement, je suis pas assez catastrophiste.

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