On parle beaucoup en ce moment du maïs BT863 de Monsanto, dont on se demande si, des fois, il ne pourrait pas être un tout petit peu dangereux à la consommation, suite à la relecture par des experts indépendants d’études sur des rats qui avaient été commandées par Monsanto.
Une séquence du film documentaire Alerte à Babylone montre comment, le 14 décembre 2004, la Commission du Génie Biomoléculaire reçoit la presse pour lui annoncer sa décision d’autoriser la commercialisation en France de ce maïs génétiquement modifié BT863. La Commission du Génie Biomoléculaire est l’autorité scientifique d’évaluation des risques liés aux OGM. C’est elle qui donne un avis d’expert sur la dangerosité ou l’innocuité des organismes génétiquement modifiés susceptibles d’être « disséminés » en France.
Le Maïs BT est un maïs auquel on a transféré des gènes d’une bactérie capable de produire un insecticide naturel. Le maïs est alors capable de produire son propre insecticide, ce qui le protège de ses parasites. Ce qui pourrait aussi le rendre très dangereux pour la santé, d’autant que les doses d’insecticide produites par ce maïs sont très supérieures aux doses communément pulvérisées sur les champs, et surtout, sont diffusées à l’intérieur de la plante, et non pas simplement à sa surface. Il y a aussi d’autres raisons théoriques pour lesquelles une telle plante pourrait être dangereuse pour la santé, mais c’est un peu long à expliquer.
L’étude sur laquelle se base la Commission pour autoriser le maïs BT 863 porte sur plusieurs centaines de rats, mais, lors de la présentation à la presse, Marc Fellous, son président, se contente de présenter aux journalistes présents un tableau sur lequel figurent les résultats de mesure de globules blancs de 9 rats nourris au maïs Monsanto. Voici la retranscription de la séance :
Marc Fellous : « nous avons jugé que c’était une bonne manière de vous présenter un peu scientifiquement comment nous avons abordé un sujet difficile (il montre un tableau représentant un ensemble de points rassemblés par colonnes)… Alors, l’exposé se fera avec moi-même, et puis monsieur Antoine Messean qui est vice-président de la CGB.»
Marc Fellous : « Ca c’est le contrôle, hein, (il montre une colonne de 10 points avec un crayon laser), quand on prend des animaux, hein, à qui on donne à manger des grains, hein, de maïs non OGM. Le vrai contrôle de Monsanto 863, c’est ce contrôle-là. On a une légère augmentation des lymphocytes, isolée. Alors, voilà, si vous voulez, les lymphocytes dont on discutait (il montre la colonne suivante, une colonne de 9 points, et précisément deux points nettement décalés vers le haut), vous voyez qu’il y a peut-être un animal, un rat, qui est légèrement supérieur, et c’est à cause de ce rat légèrement supérieur que la moyenne, évidemment, augmente. Donc une lymphocytose, on peut l’expliquer soit par une variation naturelle, soit parce que ce rat, ben, entre temps, il a choppé un virus, que nous ne savions pas, c’est une possibilité.»
Un journaliste : « Il y a deux points, là. »
Marc Fellous : « Hein ? »
Le journaliste : « Il y a deux points, là ».
Marc Fellous : « Oui, deux points. »
Un journaliste : « Il y a un ensemble de points, on dirait que globalement ça se décale vers le haut (un autre journaliste renchérit). Il n’y a pas de point en bas (effectivement, la colonne de rats Monsanto est nettement décalée vers le haut) ».
Marc Fellous : «Hein ? »
Le journaliste : « y’a pas de point en bas…».
Marc Fellous, le coupant : « ce qu’il faut comprendre, la question qui est posée, c’est que la toxicologie chronique est un examen difficile (une pause). Difficile. Mais nous experts.. nos experts ont dit, ça, ça rentre dans les contrôles. C’est vraiment des sommités, hein. Alors, on est obligés de faire confiance à des sommités. Il n’y en a pas beaucoup, vous vous rendez compte, hein, le spécialiste du rein de rats, hein, y’en a pas beaucoup, dans le monde. Donc heu…»
(la caméra se tourne vers les journalistes, qui font la tête de gens qui ont du mal à digérer les croissants au beurre du matin).
Une journaliste : « Alors à quoi ça sert de faire des examens, s’il y a une extraordinaire variabilité naturelle… »
Marc Felous, la coupant : « Je continue, et ensuite on reviendra sur la discussion. Cette conclusion, je le répète, elle est faite avec les connaissances d’aujourd’hui. Mais, c’est un peu pour répondre à votre question, mais comme nous n’avons pas de certitude, ce qu’on demande, c’est que parallèlement à notre avis, on demande qu’il y ait une surveillance, une biovigilance, on veut surveiller, il faut surveiller, alors, comme c’est une alimentation animale, il faudra surveiller par des test classiques de surveillance, tous ces paramètres qui pour nous, aujourd’hui, avec nos connaissances, rentrent dans ce qu’on appelle la variation naturelle. »
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Voilà. 9 rats. C’est tout ce que les représentants de la commission du génie biomoléculaire ont cru bon ce jour-là de présenter en balbutiant à la presse. Enfin, à la fraction de la presse qui s’y était intéressée, parce qu’il n’y avait ce jour-là pas beaucoup plus de journalistes que de rats à avoir fait le déplacement. Rats qui, d’ailleurs, à eux seuls, contredisent totalement les conclusions de la commission.
Qu’on en juge : 24% de lymphocytes en plus dans le groupe OGM que dans le groupe contrôle. Un taux de lymphocytes variant de 4200 à 10900 dans le groupe contrôle, de 7000 à 11400 dans le groupe OGM (le fameux décalage vers le haut, et le « pas de points en bas » remarqués immédiatement par les journalistes (remarquons de plus que, s’il y a un groupe avec des rats isolés qui faussent la moyenne, c’est bien le groupe contrôle, pas l’autre). Avec de tels résultats, n’importe quel scientifique sérieux ne peut prendre qu’une décision : faire des tests plus approfondis, et peut-être plus adaptés aussi.
A ce niveau, bien sûr, les anti-OGM sincères ne peuvent que remercier Marc Fellous : cet homme a fait plus en deux ou trois interview pour leur cause que des années de combat acharné (c’est lui qui répond aux journalistes de Canal + dans le fameux reportage qui a fait récemment le tour du web). D’ailleurs, je le remercie personnellement : c’est lui qui m’a incité à approfondir une question sur laquelle je ne m’étais pas trop penché jusque-là. Mais qui me laisse plus que jamais dubitatif : les OGM sont-ils plus dangereux pour la santé, pour l’environnement, ou pour la démocratie ?
Bah voyons.
Mais qui vous empêche de vous renseigner suffisamment bien pour pouvoir vous aussi prétendre à une compréhension du sujet ?
La faute à qui si seule une poignée d’experts est capable de fournir un travail complet sur le sujet ? A eux, qui ont fait parti des rares personnes ayant eu le courage d’y consacrer de nombreuses heures par semaine ?!?
Bonjour,
Oui, faisons confiance aux « experts », c’est bien ce que dit M. Fellous…
Et arrêtons, nous simples citoyens ignorants de la science profonde (qu’elle soit statistique, biologique, ou économique, par exemple), de vouloir mettre notre nez dans ces questions qui nous dépassent forcément !
C’est que c’est très compliqué, voyez-vous, alors il n’est pas possible à l’homme de la rue (moi par exemple), de prétendre y comprendre quelque chose, et donc encore moins de prétendre participer aux débats, et donc encore moins de prétendre participer à la prise de décision !
En bref, je n’ai plus qu’à mettre ma carte d’électeur à la poubelle, et laisser les « experts » décider à ma place.
Merci pour ce genre de conseil précieux !
Voilà le visage du scientisme technocratique par excellence 🙂
ah, j’oubliais, si les résultats de seulements 9 rats ont été représentés, c’est parceque si on les représente tous on ne voit plus rien sur le graphe.
Pour ceux qui veulent les données sur l’ensemble des rats, il suffit d’aller voir le rapport.
très amateur cet article ; il y a pas mal d’incompréhensions qui relèvent de bases de statistiques.
Pour faire simple, je vais schématiser largement.
Ce genre d’examen se passe comme vos analyses de sang ; pour chaque variable sur ces rats, on a un minimum normal, un maximum normal et une moyenne.
Concrètement, on compare le lot nourri aux OGM, et le lot témoins.
Il se trouve que pour une variable, on a trouvé une différence significative entre le lot OGM et le lot témoins.
Mais malgrès cette différence, la valeur de cette variable reste comprise entre les minimas et maximas observés, cad qu’on a naturellement chez les rats de labo des résultats de cet ordre.
Cela signifie que les rats n’étaient pas significativement malade.
Donc différence statistiquement significative, mais pas biologiquement significative, alors qu’il faudrait les deux pour qu’il y ait un problème.
En gros, une différence peut être statistiquement significative, mais se retrouver fréquemment même entre deux lots qui ont le même régime alimentaire.
Pour éviter cela, on fait justement appel à des toxicologues qui ont l’habitude de travailler avec des rats, et qui savent au delà de quelle valeur telle quantité est anormale.
Les toxicologues de l’AFSSA, de l’EFSA, de Food Standards Australia New Zealand, du RKI etc…etc… concluent indépendamment que si c’est statistiquement ce n’est en revanche pas biologiquement significatif.
Bilan : des souris saines, des différences dont les toxicologues de 7 pays s’accordent à dire qu’elles ne sont pas biologiquement significatives…
Il ne s’est trouvé que deux personnes pour s’opposer publiquement à la conclusion de ces quarantaines de toxicologues : Christiant Vélot et GE Seralini.
Le plus fort,c’est qu’aucun des deux n’est toxicologue, c’est comme si moi biologiste j’allais contredire les interprétations du GIEC sur la base de mon seul niveau d’expertise ( cad rien du tout ).
Je vous invite à consulter ce topic :
http://forums.futura-sciences.com/showthread.php?t=133710
Une conférence de Christian Velot, généticien, sur les OGM. Première partie bien pédagogique, sur le principe des OGM et sur l’utilisation des OGM pour la fabrication des aliments, et deuxième partie sur la question des OGM dans l’alimentation. A voir absolument :
http://video.google.fr/videoplay?docid=2728390780950241633&q=ogm
http://www.dailymotion.com/Alteranti/video/xpync_eclairage-scientifique-sur-les-ogm
Le reportage Canal+:
http://video.google.com/videoplay?docid=-1783600181213230759