Les plantes ne sont pas des animaux comme les autres. Si vous en doutez, lisez donc Eloge de la plante, de Francis Hallé (merci à celui ou celle qui m’en a conseillé la lecture). Après cette lecture, et celle de L’Encyclopédie des plantes bio-indicatrices, vous ne verrez plus jamais ces trucs verts qui encombrent vos jardins avec le même (mauvais) œil.
Francis Hallé, c’est le scientifique qui a inventé le radeau des cimes. Mais si, vous connaissez forcément, cette plate-forme portée par un dirigeable et portant des scientifiques, qui se pose sur la canopée des forêts équatoriales pour en étudier la biodiversité.
Donc, Francis, les plantes, les arbres, il en a étudié sous toutes les latitudes, par forêts entières. C’est même un des plus éminents spécialistes mondiaux de la question. Il en a étudié la forme, la croissance, les stratégies de survie, de reproduction, la génétique… Et ben, croyez-le ou pas, après tout ça, il ne peut que reprendre le mot célèbre de je ne sais plus qui : « tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien ». Ou pour être plus précis : « tout ce que je sais, c’est que les plantes ne sont vraiment pas des animaux comme les autres ».
Et c’est bien là que le bât blesse : les scientifiques, qui, quoi qu’ils en pensent, ne sont que des animaux, ont un peu de mal avec les plantes. Un peu de mal à s’y intéresser, et, quand ils s’y intéressent, un peu de mal à imaginer que ces bêtes-là soient fondamentalement différentes de nous.
Francis Hallé s’attache donc à une étude comparative des plantes et des animaux. D’où il ressort qu’il est totalement impossible d’y comprendre quoi que ce soit au règne végétal si on ne fait pas un gros effort pour s’extraire de notre zoocentrisme.
Mais je sens qu’on va me demander des exemples. Voici celui qui est sans doute le plus lourd de conséquences : les plantes n’ont pas de génome fixe. Ca veut dire que chez un animal, des pieds à la tête, et de la naissance à la mort, on retrouve les mêmes gênes. Un animal unique possède un génome unique, fixe dans le temps.
On a donc longtemps pensé qu’il en était de même pour les plantes. Mais voilà, en étudiant la cime des arbres sur son radeau, Francis Hallé constate qu’un même arbre peut avoir plusieurs génomes. Chaque fois qu’une plante lance un nouveau rameau, celui-ci est susceptible de modifier quelques gènes en fonction des conditions présentes.
Pourquoi ? Parce que la plante, contrairement à l’animal, ne peut pas fuir. Menacé par un danger, l’animal par en courant. Menacée par un danger, la plante change de génome. Ou échange des gènes avec ses voisins…
Et Francis Hallé de poser la question qui fâche : comment, alors qu’on ne sait presque rien de la génétique des plantes, si ce n’est qu’elle n’est pas stable du tout, comment peut-on penser qu’on va pouvoir bricoler génétiquement des plantes sans risquer de grosses surprises ?
Il en est de même pour la forme. Les plantes recherchent toujours la verticalité, qui leur permet d’accéder à la lumière. Si un événement contrarie cette verticalité, elles se débrouillent toujours pour la retrouver : un arbre qui tombe, s’il ne meurt pas, relancera des rejets verticaux, quelle que soit l’orientation du tronc tombé à terre. Il n’y a donc pas, comme chez l’animal, fixité de la forme, définie dès l’embryon.
Le chapitre sur la forme des êtres vivants, mais aussi des objets, est d’ailleurs sans doute le plus étonnant du livre. Suivi par celui sur la mobilité, où il est démontré par exemple qu’en fonction de l’échelle de temps sur laquelle on se place, les plantes sont peut-être plus mobiles que les animaux.
En résumé : un livre inrésumable, qu’il faut lire. Attention tout de même, c’est parfois d’un niveau scientifique relativement élevé.
Et encore, on apprend plein d’autres trucs dans ce livre…tout comme dans « L’univers Bactériel », qui retace l’histoire des bactéries (« incluant », à la fin, le reste du vivant). Tout ça aux édité en Points Seuil, comme « histoire des agricultures du monde »…bref, il y a plein de livre intéressants dans cette collection – ha mince, j’ai fait de la pub.