L’Honorable Jardin de Korrotx

J’ai passé quelques jours cet été dans le Sud-Ouest, faisant escale dans le pays Basque, ainsi nommé car sur la carte de France il apparaît si bas que.
C’est là-bas que je suis allé voir à la mi-août Korrotx, la légende vivante du Sens de l’Humus, la voix cachée de ce projet. On raconte à son sujet que par des textes judicieusement choisis, la découverte d’auteurs de référence, il aurait contribué à initier notre association, en août 2005, sans avoir jamais rencontré les protagonistes qui se trouvaient à 800km… Et puis, j’aurais été envoûté en mars 2006 pour monter une butte de double-bêchage… Cette faculté d’influence, Mythe ou réalité? Nous ne le saurons probablement jamais…
Toujours est il que Korrotx se présente concrètement sous forme d’un humain, venu m’accueillir au matin dans une gare qui préfère garder l’anonymat.
Il me sera difficile de relater tous les informations échangés dans cette journée. Je donnerai alors quelques éléments disparates.
Déjà, je ne sais pas vous, mais pour Fabien ou moi, il se dégage l’idée de ses textes qu’il a un très beau jardin parfaitement géré. Quand je lui en ai fait part par mail, il m’a dit que non, il n’y a rien d’exceptionnel chez lui, que je risque d’avoir des désillusions.

Pourtant, une fois sur place, je ne pouvais qu’admirer l’organisation de l’espace, et les nombreuses productions diversifiées qui poussent sur les buttes rectangulaires bien alignées pour ne pas perdre d’espace (la pression foncière étant importante). Arbres, arbustes, amaranthes cultivées, tomates, quinoa, diverses cucurbitacées, divers crucifères occupent l’espace. Et lui fournissent presque tout ses légumes, quelques graines et fruits, alimentant en plus en partie sa famille.
Bien sûr, il y a des plantes qui ne se portent pas parfaitement bien. Les amaranthes se couchent. Les petits plants sont attaqués par les limaces, ou des ravageurs spécifiques pour certaines familles (vers du poireau, dont Korrotx a l’intuition qu’ils viennent à cause de la trop forte densité de semis. Fukuoka dirait peut-être que les vers éliminent juste assez de plants pour que les autres croissent mieux et au final avoir la plus grande production possible…).
Mais l’ensemble est de qualité. Grâce à une utilisation pertinente des ressources et du temps dont il dispose.
Par exemple toutes les graines sont semées en caissette en quinconce, dans un mélange terre + compost affiné à la main, tout ceci permet d’utiliser au mieux les graines, la terre, l’espace dans les caissettes. J’ai pu voir et participer ainsi à la dépose des graines de Poirée Verte à Cardes Blanches, suivant une rigueur qui ne m’étais pas coutumière. Le repiquage sera effectué avec délicatesse, comme toujours.
Toutes les plantes sont considérées avec respect, y compris les spontanées. Ce n’est qu’en dernier recours que nous arrachâmes des ronces (pardon les framboisiers) pour pouvoir créer une butte, et une autre plante dont on n’a pas le nom et qui faisait coucher les salsifis.

Une importante réflexion de Korrotx porte sur les moyens d’arriver à l’autonomie alimentaire. Le fait d’avoir un emploi à temps complet entrave quelque peu sa démarche dans ce sens.
Se pose la question des productions qui fourniront assez d’énergie, et qu’il a testées en pratique : parmi les légumes certains sont intéressants pour leur apport calorique : le poireau, le panais et le salsifis; la pomme de terre est déconseillée pour des raisons nutritionnelles. Parmi les plantes à grains, beaucoup ont montré leurs limites dans son jardin sous son climat : les céréales d’hiver sont mangées par les rats; le maïs par la pyrale, le sorgho et le tournesol par les oiseaux (mais pas forcément beaucoup, cela reste à tester), le quinoa germe sur pied s’il y a trop d’eau, restent l’amaranthe, les fèves, et, solution originale, les graines de potimarron qu’on peut extraire, sécher et stocker. L’objectif à long terme serait d’être effectivement autonome, avec les légumes, les grains, et aussi en compost qui nourrit la terre de ces plantes.

L’après-midi, nous commençâmes l’édification d’une Butte de Culture Bio-Intensive, selon le procédé de Jeavons modifié. Korrotx dit qu’il préfère décaisser d’abord une moitié de la planche, plutôt que de déplacer la terre par petits carrés, mais j’ai encore des doutes sur l’efficacité de cette variante. Après quelques coup de pelle de ses solides bras, j’ai vu la glaise à 20 cm de profondeur, dans cette terre bougée au fameux bulldozer il y a 30 ans. D’après Korrotx, mélanger un peu de cette terre à celle au dessus ne pose pas vraiment problème, l’important est d’aérer le tout. Ou plutôt que les 30 premiers cm doivent être décompactés et enrichis en compost, il ne prend pas beaucoup de risques de toute façon étant donné que le sol a déjà été beaucoup remanié, ce n’est pas forcément une pratique à généraliser.

Ce n’est qu’à postériori que j’ai pensé qu’il lui a fallu du courage, pour créer les quatorze buttes de ce jardin, avec une telle terre qui n’a pas grand chose à voir avec toutes les autres que j’ai pu voir et qui se présentaient mieux pour la culture.
Oui, ce n’est pas dans beaucoup d’esprits que nait une telle idée et qu’elle se maintient avec une telle perséversance.
Alors, si pour produire de la Biomasse et de l’Humus, Korrotx est loin d’avoir des milliers d’hectares pour planter des arbres comme dans la nouvelle de Giono, au moins a-t-il une solide base de 300m² pour tester, prouver et semer dans les esprits les concepts de la Micro-Agriculture Bio-Intensive.

10 commentaires sur « L’Honorable Jardin de Korrotx »

  1. Ha oui, j’avais oublié ça comme dans la liste d’humour géographique desprogien : « tous les sud-africains sont racistes. À part Ted. »
    Moins drole, l’information suivante : le jardin mentionné dans cet article est en friche.

  2. Je n’ai jamais été à Paris ni en Corse donc peu probable que je sois venu chez toi, le cas échéant je te l’aurais bien sûr signalé.

  3. On m’a dit récemment que Korrotx est déjà venu chez moi, et que donc je le connais. Tu peux confirmer, Korrotx ?

  4. et une autre plante dont on n’a pas le nom et qui faisait coucher les salsifis
    J’ai trouvé son nom : c’est du fumeterre

  5. Je proteste. C’est plutôt dans le style desprogien, l’humour géographique. Je me souviens encore. Dans la suite de : les chats bretons se reconnaissent au fait qu’ils sont les seuls à transpirer car « ils ont des chats poreux, vive les bretons ».
    Et « Pourquoi les bordelais sont-ils si laids alors que leurs femme sont girondes ». Etc. bon dans le contexte c’est mieux. Bref.

  6. ainsi nommé car sur la carte de France il apparaît si bas que
    Jean Roucas, sors de ce corps!

  7. Mince, j’aurai pas du dire que Korrotx se présentait sous forme d’un être humain. ça aurait laissé un mystère. ça aurait fait perdurer la légende.
    Alors, à quoi il ressemble?
    à lui-même.
    Pas de photos, désolé.

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