On se débrouille

Le budget pour l’hiver est serré, alors, il faut bien se débrouiller pour survivre.  Enfin, pour vivre comme des papes, parce que la survie, ça va bien un moment.

Côté nourritures terrestres, il y a les navets du jardin, avec les dernières tomates, et les clémentines et les oranges du petit déjeuner. Et les salades en provenance de Colombes via le sac de voyage de Jean-Marie. Et puis les champignons, partout… On ne peut pas faire un pas sans tomber sur un fongus comestible.

La première fois, c’était un cèpe de bordeaux, en redescendant d’une petite séance de débroussaillage, qui a merveilleusement accompagné les agarics champêtres qui étaient apparus dans le jardin suite à l’orage. Ensuite, encore plein d’agarics, sur le chemin d’une très belle randonnée au mont Sant’Angelu (au passage, on ne perd pas de temps, on travaille : repérage vu du ciel du magnifique jardin du couvent de Corbara, il faut vraiment qu’on rencontre les jardiniers).  

Et puis, hier, Jean-Marie, en pleine séance de débroussaillage façon sanglier, nous ramène 3kg de cèpes dans la journée, des cèpes bizarres d’une espèce indéfinie, apparemment comestibles puisqu’on est toujours debouts 24h après.

Côté travail, on se débrouille aussi. Comme le broyeur tarde à arriver, on prend de l’avance en entassant de la matière organique. Le tout, quasiment à la main, uniquement avec des outils récupérés ici, le temps de faire nos emplètes (on prend notre temps, il s’agit d’acheter juste ce dont on a besoin, alors, on teste d’abord).

Chacun sa méthode : Jean-Marie, on l’a dit, c’est la méthode sanglier. Là où il passe, la broussaille trépasse, un peu brutal, mais efficace. Cristel, c’est tout en douceur, méthode ninja, les cistes sont coupés avant d’avoir entendu un bruit. Moi, c’est plus paysan, à grands coups de rustaghja, ou starghja (prononciation locale), la serpe à long manche qu’on utilise ici.

Mais côté débrouille, on est encore un peu ridicules par rapport à ce qui se pratique ici. Jugez-en : samedi, au village, on passe juste à côté du drame. Les freins d’un 4×4 qui lâchent, l’engin qui dévale la pente avec la grand-mère D. dedans et quitte la route pour dévaller dans les terrasses en-dessous. Coup de bol, l’engin ne se renverse pas, et se plante dans un rejet de chêne qui croyait avoir survécu au pire lors du dernier incendie.

Le temps d’envoyer l’intéressée faire quelques radios à l’antenne médicale (si vous immaginez qu’on a un hopital dans le coin…), débarque toute la famille D. Qui en se démonte pas. Quoi, un engin de deux tonnes à remonter sur deux terrasses d’un mètre-cinquante de haut ? Une grue ? Et pour quoi faire ?

Et voilà qu’apparait tout un attirail de cordes, de chaines, de tronçonneuses pour décoincer l’engin. Que le beau-fils se met à découper sans complexe l’arbre salvateur, avec la tête sous le véhicule en équilibre. Quoi, dangereux ? Et qu’à force de couper et de tirer, le tas de ferraille est sur ses 4 roues motrices, en équilibre un peu instable, certes, coincé en plein maquis, re-certes, totalement irrécupérable sans un gros engin de levage, mais le moteur en marche.

Irrécupérable, vous avez dit ? Pas pour la famille D. qui connaît le terrain comme personne. Et sait que la planche sur laquelle a atterri l’engin remonte en pente douce en direction du village. Ca ne rejoint pas exactement la route, mais tout au bout, les murs de soutènement ne font plus que cinquante centimètres, au lieu d’un mètre cinquante.

A force de tirer, de patiner dans le vide (les deux roues droites ne touchent pas le sol), voilà qu’alors que la nuit menace de tomber l’engin retrouve ses esprits et réussit à rouler vers le bout de la planche. Reste encore à remonter, ce qui est fait dès la deuxième tentative (Gérard, le conducteur, expliquera ensuite que la première, c’était juste pour tester s’il y avait une chance de monter ou pas). Et voilà l’outil de travail (chez les D., la retraite, ça n’existe pas) en état de marche sur le plancher des voitures. Au moment précis où l’autre moitié de la famille D. revient de l’antenne médicale avec la grand-mère intacte soudain rayonnante : le 4×4 est là, entier, sorti d’affaire, sans l’aide de personne, on va pouvoir retourner travailler.

La grande classe, en ces temps d’hétéronomie galopante, n’est-ce pas, Jeuf ?

    

7 commentaires sur « On se débrouille »

  1. le jardinier biointensif est volontiers revêche
    Mais non, juste un peu moins humaniste que toi 😉
    Ceci dit depuis que j’ai lu Mollison je ne suis pas que biointensif (bien que ça reste le domaine où j’ai le plus d’expérience (si on peut appeler ça expérience)).
    D’ailleurs je vous en fais une fiche de lecture d’ici bientôt (de même que l’article sur les vers de terre toujours en suspens (hétéronomie chronophage quand tu nous tiens)).

  2. Hum je suis plutôt seule là 😉

    Mais j’essayerai quand je pourrai d’en parler.

    Merci en tous cas et bonne continuation.

  3. Un jour, le sens de l’humus sera partout 🙂 Pour l’instant, on est à Montreuil, et on essaye de faire un truc en Corse. Sinon, on a aussi un canal historique au pays basque, mais c’est le courant biointensif (et le jardinier biointensif est volontiers revêche).

    Mais si des Toulousains sont intéressés pour faire passer le message dans la région, vous pouvez y aller.

  4. Bonjour,

    j’avais une question est-ce qu’il existe une antenne sens de l’humus vers Toulouse?

    Merci.

  5. Salut!

    En fait Jean-Marie fait travailler les sangliers à sa place, d’habitude. Mais j’imagine qu’il n’y a pas de sangliers là-bas, c’est pour ça 🙂

    Je reviens du jardin. Pour l’instant l’avoine qu’on a semé il y a une semaine avec Eric n’a pas levé. Encore un petit peu de patience avant de savoir si les oiseaux ont tout mangé…

    à+
    Denis

  6. tout cela est assez abstrait pour moi, étant lu ici, je n’ai pas encore d’expérience concrète vécue de ce qu’il se passe en corse.
    Tant qu’on y est, je te dis ça là plutot que par mail : j’arrive le 13, malgré la grève si y’en a, je ferai tout pour avoir ce bateau.
    Ktche, intorrogé hier, veut bien venir, fin janvier, mais pas moyen de savoir si ce sera possible (selon l’amortissement du véhicule prévu). Ni même de savoir quand il saura.

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