On se souviendra de la conclusion grandiloquente de la visite du jardin de notre ami basque : « Si pour produire de la Biomasse et de l’Humus, Korrotx est loin d’avoir des milliers d’hectares pour planter des arbres comme dans la nouvelle de Giono, au moins a-t-il une solide base de 300m2 » pour propager ses idées. Par nos vastes réseaux au Sens de l’Humus, nous avons rencontré Agnès, qui propage aussi de la Biomasse, depuis une base de plus de trente hectares en région parisienne. Elle expérimente des techniques originales et nouvelles sur ce terrain où la terre est maltraitée par des chantiers industriels.
Elle suit un protocole scientifique précis, et teste de cent manières différentes les semis de forêts sur autant de parcelles, suivant différents mélanges de graines et préparations de sol.
Il est bien moins cher à priori de semer des forêts (ici 500 000 graines à l’hectare) que de planter des arbres qu’il faut entretenir longuement en pépinière, qu’il faut ensuite transporter… Mais d’après la bibliographie sur le sujet, les personnes qui ont voulu mettre au point ces méthodes dans le passé se sont heurtées à de nombreuses difficultés pour faire venir ainsi des forêts, notamment la concurrence des graminées, qui étouffent les petits arbres et rendent alors invalide la méthode du semis. C’était sans compter sur les possibilités par les Couvertures Permanentes du sol, concept oublié par l’agronomie, mais mise en place sur le terrain d’Agnès : pour éviter un enherbement étouffant par les graminées, elle teste différents mulchs, ainsi que des couverts végétaux vivants. Un peu comme nos amis agricoolteurs. Ces couvertures empêchent l’envahissement par les graminées, l’évolution vers la prairie, incompatible avec la venue d’une forêt.
Ainsi au bout de 2 ans d’expérience, les résultats dépassent les espérances, avec 15000 plantules d’arbres par hectare, au lieu des 10 000 prévus.
Les autres expériences que l’on peut voir en ce lieu sont les « pièges à graines », qui sont des amoncellements de matière suivant des lignes d’environ 1 mètre de large, qui piègent les graines et permettent à des haies de s’installer selon ces lignes. Ces matières sont par exemple des pierres, des broussailles, des traverses de chemin de fer, du gros bois broyé, du ballast, du béton concassé. Il n’y a pas de raison d’évacuer comme déchet tout ce qu’on peut tirer d’un terrain. Tout est réutilisé sur place. Pour obtenir des haies, Agnès a aussi testé des boutures de différentes variété de saules et de peupliers prélevés dans les marais limitrophes (résultat : pailler bien le sol pour que la terre reste humide, sinon ça ne marche pas).
Mais il n’y a pas que cela sur ce terrain expérimental. On découvrira aussi les bassins de retenue d’eau, bientôt dotés d’une éolienne de pompage, les arbres fruitiers, les sculptures, les bambous à musique, les Arbrassons, et les nombreux liens improbables entre ces expériences de foresterie et le passé industriel ferroviaire de notre pays.
On retrouve ce lien dans les essais de paillage d’arbres plantés, par exemple. Il apparaît que des arbres adolescents poussent d’autant mieu s’ils sont paillés, et d’autant plus que le paillage est large; et l’expérience montre qu’un paillage de traverses de chemin de fer broyées était une des couvertures du sol parmi les plus efficaces. Me détachant d’une approche scientifique rationnelle, je dirai que l’arbre qui pousse se nourrit mystérieusement de son ancêtre lointain et pluri-centenaire (les traverses ayant environ un siècle et sont taillées dans des bois nobles : Chênes, Hêtres, depuis peu bois exotiques) qui malgré sa contribution involontaire à l’histoire industrielle de notre pays, et nonobstant les traitements chimiques qu’ont subis les traverses, trouve le moyen de communiquer sa Vie au jeune arbre.
Les plantes ne semblent pas affectées par toutes les pollutions qu’ont subit le terrain ou les matériaux introduits. La manière dont elles traitent ces pollutions pourrait être étudiées de manière plus détaillée par des études bio-chimiques poussées.
On oublie en ce lieu l’idée de créer un espace préservé de toute pollution humaine. La modification de la planète par l’évolution technique est un fait intégré, ce qui diffère d’une vision de certains écologistes de délimiter un carré de nature à préserver. On fait confiance dans la capacité de plantes à nettoyer, épurer, et restaurer silencieusement, patiemment, ce que les
humains ont altéré. On leur laisse le temps.
Tous les ans, Agnès voit son terrain évoluer en formes et couleurs, il n’y a pas de phases d’évolution qui ne soit pas intéressante et elle trouve cela très beau, même si cela va à l’encontre de la conception de beaucoup de paysagistes qui voudraient figer un effet voulu dans le temps et l’espace, ou pire griller les étapes pour atteindre sans attendre le stade adulte d’un jardin…
Agnès parle très, très doucement, prend du temps pour faire visiter ces lieux, et on oublierait presque que ce site est né avec beaucoup de difficultés, que son avenir n’est pas garanti. Il dépend du bon vouloir de l’Etablissement Public Réseau Ferré de France propriétaire des lieux, des pourparlers sont en cours entre les responsables et Agnès. Si c’est cet Etablissement Public qui avait financé les travaux depuis 2003, aujourd’hui c’est Agnès qui finance sur ses fonds propres, depuis début 2008.
Elle aimerait transformer ce site en véritable pôle agroforestier, pour cela il faut au moins 100 ans de labeur sans labour, de liberté d’action et d’observation. Ce site fragile est soumis aux spéculations diverses, foncière mais aussi celles des agriculteurs conventionnels. Tout est en place, mais tout reste à faire, des centaines d’années pour voir un chêne adulte, des milliers pour recréer un sol…
C’est pourquoi nous, au Sens de l’Humus, on s’associe avec les Esprits de la Forêt naissante pour la soutenir de toutes nos forces…
Photos :
Vues d’ensemble
Piège à graine artistique et traverses créosotées fragmentées
Ajoutons à cela que l’herbe assèche le sol en surface, alors que l’arbre en a besoin en profondeur.
Une fois implanté, les arbres, s’ils sont suffisement denses, empeche l’herbe de pousser en prenant la lumière, entre autre.
Entre la prairie et la foret, il y a le stade de l’invasion du terrain par les ronces, si cela est possible. Les ronces vont empecher les herbes de pousser et protéger les petits arbres des herbivores.
Tout à fait, il suffirait de la laisser pousser sans y toucher pour que ce soit une forêt. Sauf que dans la réalité, ça se passe rarement comme ça.
Les ruminants contribuent à créer la prairie en broutant régulièrement, ce qui favorise l’herbe par rapport aux autres plantes. Une forêt ne peut pas repousser dans ces conditions. Et je ne me limite pas aux cheptels d’aujourd’hui, je pense aux herbivores de manière général, civilisés ou sauvages.
bravo bravo mais ….
« ……l’évolution vers la prairie, incompatible avec la venue d’une forêt. »
je ne suis pas d’accord avec ce bout de phrase, pour moi une prairie prépare le terrain pour les futures forets…..
il suffit de laisser une prairie pendant 50 ans sans la toucher ….et hop une bébé foret à poussé
bonne continuation
L’AG de l’association qui porte le projet, ainsi qu’un concert d’arbrasson, est prévu le samedi 26 juillet.
J’ai été invité en tant qu’adhérent, peut-être d’autres personnes aussi peuvent venir.
« l’arbre qui pousse se nourrit mystérieusement de son ancêtre lointain et pluri-centenaire (les traverses ayant environ un siècle et sont taillées dans des bois nobles : Chênes, Hêtres, depuis peu bois exotiques) qui malgré sa contribution involontaire à l’histoire industrielle de notre pays, et nonobstant les traitements chimiques qu’ont subis les traverses, trouve le moyen de communiquer sa Vie au jeune arbre. »
Allons encore plus loin dans des conceptions non rationnelles : par le fait que l’arbre de la traverse ferroviaire a contribué à l’histoire industrielle du pays, il communique avec d’autant plus d’ardeur de la Vie à son petit neuveu arbrisseau, car y ayant participé contre son gré il souhaite plus encore que n’importe qui que ce « cauchemar » (l’industrie humaine) prenne fin et que la nature (les arbres, tout ça) reprenne au plus vite le terrain.
Agnès aurait aimé lancé des études pour comprendre pourquoi les arbres se portent bien avec un paillage de traverses et comment ils gèrent les polluants, (ça n’a pas été possible pour l’instant), bien évidemment ce n’aurait pas été cet angle de réflexion qu’aurait abordé les chercheurs..
Le tout, c’est de rejoindre le mode de peuplement de la foret « dite naturelle ».
Si on laisse faire le temps, il y a un stade où la végétation devient de plus en plus grande et peut s’entretenir d’elle-même…
Pour en arriver à ce stade, il faut une quinzaine d’années. Replanter des arbres plus grands permet de gagner des années. Les graines pourront alors croître à l’ombre des arbres adultes.
Pour être à peu près sûr qu’il y en ait (de ces graines), on a besoin de plusieurs de ces arbres adultes, de préférence plantés en bosquet.
Ici, le BRF qui avait été mis à précomposter nous a créé une forêt : on a une dizaine de petits chênes qui y ont germé. Du coup, je me demande si on peut pas utiliser ce système pour faire d’une pierre deux coups : reboisement et pare-feu, vu qu’à part les petits chênes, il n’y a pas grand-chose qui pousse. Mais il faut au moins 20 cm d’épaisseur de BRF. Pas très économe.
On oublie en ce lieu l’idée de créer un espace préservé de toute pollution humaine. La modification de la planète par l’évolution technique est un fait intégré, ce qui diffère d’une vision de certains écologistes de délimiter carré de nature à préserver.
J’aime beaucoup cette façon de voir.
Les « pièges à graines » aussi je trouve ça excellent, l’endroit en entier à l’air fabuleux.
Joli !
Je n’aurais pas pensé que les traverses de chemin de fer imbibées de carbonyle ou autre saleté auraient fait un bon paillage ! Par contre je crois pas pouvoir les faire passer dans mon broyeur 🙂