Le jardin de JM – bilan de clôture 2008

(une expérience de jardinage occasionnel)

Dans la grande tradition des bilans chiffrés hyper-objectivants à la Jeuf – non je plaisante-, voici quelques réflexions sur la tenue d’un jardin par le débutant que j’étais, pendant la période qui va de l’hiver 2007 à juillet 2008.

Cette expérience initiatique à la culture est particulière et doit être décrite en incluant les éléments habituellement négligés par la permaculture, à savoir le contexte social qui à la fois permet et limite la pratique du jardinage. C’est par la rencontre de JM que j’ai pu m’insérer dans l’enceinte fermée d’une association de jardin familiaux de ma ville. Avec un ami, à la recherche d’un bout de terre à cultiver, il m’était déjà arrivé de tourner autour de ces jardins et de regarder à travers ses barreaux les magnifiques jardins, leur légumes et les jardiniers enfermés là-dedans.

Projetant de quitter son travail pour remettre en route une petite ferme dans le sud (ce qu’il a fait effectivement), JM a saisie l’opportunité de ma présence à Colombes via le sens de l’Humus, et décidait de me prêter le jardin pendant son absence. J’avais carte blanche. En me montrant régulièrement aux jardiniers, je les habituais à ma présence et construisais patiemment la légitimité de ma participation aux activités de jardinage. Cela impliquait la situation bizarre de devoir se présenter à la grille (toujours fermée à clé par les jardiniers), en attendant que quelqu’un veuille bien m’ouvrir. Je demeurais donc jusqu’en mars un simple invité, et cette impression ne m’a pas jamais quitté ensuite, sans que je prenne le soin d’en expliquer les raisons alors.

Sur le plan des cultures, j’appliquai le bon sens de la permaculture en matière de zonage : étant à 15 minutes en vélo du jardin, et n’étant pas en mesure d’aller au jardin guère plus qu’une fois par semaine, je privilégiais des cultures qui pouvaient se passer de ma présence quotidienne. Pas de légumes feuilles qui nécessitent de l’arrosage. Pas de petite serre non plus qui nécessite également un arrosage régulier. Cela m’a d’ailleurs conduit à refuser de la part des jardiniers certains dons, ce qui n’a peut-être pas été compris malgré mes explications. Je pense que l’on s’attendait à ce que je fasse un vrai potager, avec tous les légumes habituels, comme le font les jardiniers qui vont et viennent chaque jour en voiture visiter leur jardin (au total, un Jeuf pourrait aisément calculer que le cumul en kilomètres de leurs trajets Colombes-Colombes, afin autoproduire des légumes pour l’équivalent d’une famille, est tout à fait comparable avec celui de notre maraîcher qui se trouve à 100 km de Colombes, et qui vient une fois par semaine).

Ayant un panier Amap par semaine, mon choix de culture allait dans une logique de complément, en privilégiant tout ce que je savais d’avance absent dans les paniers : pois et haricots (infaisables pour notre maraîcher car trop manuel), des fèves, des carottes (notre maraîcher les avait raté l’année dernière, nous donnant des carottes bio achetées insipides), des cultures originales mais d’intérêt évident (soja, quinoa), de l’ail (frais, j’adore), ainsi que des tomates pour faire plaisir (le plaisir de faire des plants chez soi), des plantes permanentes (rhubarbe, consoude, raifort, cassis) et aussi beaucoup trop d’autres choses, finalement, comme en témoigne la grande quantité de graines que j’ai achetée. Mon idée était, dans l’optique d’une autonomie alimentaire faiblement outillée, de privilégier les plantes riches en protéines, lesquelles sont globalement absentes du panier Amap. Mais le fait d’avoir un panier Amap m’a ôté, je pense, un peu de motivation étant donné que pour moi le jardinage signifiait un chemin vers l’autarcie alimentaire (donc des récoltes régulières que me fournissait déjà en grande partie l’Amap), ce qui est réducteur car cela excluait les relations avec les autres jardiniers, que j’ai trop négligées dès le départ.

Premier bilan strictement technique : peut-on manger de façon substantielle les produits de son jardinage, et passant tout au plus 2h par semaine au jardin, soit à peine 15 minutes par jour ? Non, mais c’est sans doute en raison de mon inexpérience. J’ai tout de même mangé pour plusieurs repas de fèves, haricots, petits pois, avec vraiment très peu d’efforts pour l’obtenir. Pour les plantes citées, la seule difficulté et cause d’échecs aura été la mise en place des plantes (le semis). Quand j’ai eu devant moi le fouillis de plante en certains endroits et que j’y semais quelques haricots, je me suis représenté pour eux la difficulté de trouver là leur place, au milieu du reste. Mon problème aura été la disparition de certains jeunes plants entre deux visites : limaces ? pigeons ? semis frelatés ? J’ai mis trop de temps avant de prendre des décisions claires sur la protection des semis et jeunes plants, ayant totalement négligé cet aspect lors de mes lectures, et étant ignorant des méthodes classiques ou originales en la matière. On a peut-être trop insisté, au sens de l’humus, sur le soin des sols et pas assez sur les techniques de mises en place des plantes.

Pour les limaces, les jardiniers là-bas ne s’embêtent pas et répandent les petites graines bleues toxi-magiques (métaldéhyde) au sol. Quant à moi, j’ai essayé autrement en tâtonnant. J’ai parfois préféré laisser des plantes autour d’un semis, ou bien arrachant des plantes fraîches pour les appâter, pour que ceux-là se fondent dans le décor et n’attirent pas les limaces. J’ignore si la stratégie est efficace. Pour les oiseaux, j’ai fini par mettre systématiquement un filet. Malgré cela, mes semis de carottes ont été laborieux et quelques petits plants de quinoa ont disparus. Bref, pour débuter, avoir un jardin en bas de chez soi pour y aller chaque jour, cela est plus propice à la compréhension de ces phénomènes de prédations.

Autre bilan : l’organisation du temps. Il peut y avoir un certain stress à jardiner à distance en un temps limité (par la tombée de la nuit), à venir parfois le soir pour arroser des semis qui viennent de lever, quand il fait vraiment chaud. Il m’a manqué d’impliquer d’autres personnes dans la culture ; c’était mon projet, mais la gestion de la clé et la coutume locale de la porte tout le temps fermée a compliqué les choses. Un jour une amie amapienne est venue à l’improviste en parlant du jardin de JM comme étant disponible : ça a fait plein d’histoire. La pénurie de jardin induit un protocole et certaines phrases interdites comme « il paraît qu’il y a un jardin de libre ». Le statut du jardin de JM est resté pour moi ambigu, jusqu’à ce que je comprenne la manœuvre : ma probable incompétence en matière de jardinage allait servir de prétexte à certains éléments du bureau pour s’approprier la parcelle de JM, et donc refuser ma demande officielle de jardin. Je demeurais donc avec un statut inédit me semble-t-il dans l’association : celui du « doit faire ses preuves » -sans l’aide des jardiniers puisque dans ma lettre de demande je disais que j’étais dans une Amap et une association de permaculture donc j’étais sûrement très fort-, alors que normalement on attribue un jardin à quelqu’un et puis c’est tout. J’étais vaguement conscient de la précarité de la situation et mal à l’aise, mais je me disais qu’il fallait que j’utilise cette possibilité pour apprendre quand même.

Le contexte social, donc. Il semble que les ambiances parfois très tendues dans les jardins familiaux ne soient pas si rares, en raison à mon avis de la rareté des parcelles disponibles, mais aussi je pense, de la part des habitants des quartiers populaires, de la timidité à l’égard des pouvoirs publics et du manque d’initiative qui en résulte. J’ai observé que le fait qu’un jardinier soit classé comme étant un mauvais jardinier permet alors de faire le tri, et qu’il y a une espèce d’inflation des attentes en matière de temps passé pour cultiver : il en résulte le dogme comme quoi jardiner c’est forcément dur (d’où le corollaire, les buttes permanentes, c’est n’importe quoi, puisque cela rend le jardinage plus facile). Il faut savoir cela. Mais il faut aussi savoir quels sont les critères du « bon jardinier », et se dire dès le départ que ces critères, il faut les accepter au moins dans un premier temps. Les circonstances de mon entrée dans l’enceinte des jardins font que, comme on dit chez les ethnologues, « j’ai grillé mon terrain » dès le départ. En effet, le jardin de JM était cultivé selon l’esprit de la permaculture, et à la lettre de la méthode des buttes permanentes, un aspect sauvage dans la présentation du jardin. Ainsi que la présence de nombreux matériaux récupérés, un four installé et un abri autoconstruit (tout cela étant interdit par le règlement). Je n’ai pas pris au sérieux le fait que les buttes faisaient l’unanimité contre elles. « Faut que tu rases tout ça, JM, ces buttes c’est n’importe quoi ». Je pensais à des boutades car les jardiniers très souvent se chambrent entre eux. Quand je me suis aperçu que ce n’était pas le cas, c’était un peu tard. J’avais bien commencé à réaménager quelques planches pour augmenter la largeur des buttes (à l’usage les buttes de JM n’étaient pas assez larges ; par exemple pour arroser l’eau percole de chaque côté au lieu d’entrer dans le sol, et faisaient perdre de la surface de surcroit du fait des allées plus nombreuses). Si j’avais su cela au départ, j’aurais aménagé l’ensemble de la parcelle avec des buttes plus larges, ce qui aurait sans doute calmé les esprits.

Pour terminer quelques retour d’expérience sur les cultures. L’ail a échoué alors que je m’attendais à une réussite facile (par les buttes, le sol est bien draîné). Rouille du poireau. Un jardinier m’a dit qu’ici l’ail, comme l’échalote et l’oignon, tout cela échouait : sol trop riche. En effet il semble qu’il y ait des apports (trop) fréquent de fumier de poney provenant du parc de Gennevilliers. Grosse déception. Les semis de carottes. Ils ont fini par marcher alors que j’y croyais plus, mais seulement fin juin-juillet. J’ai même essayé le semis liquide indiqué dans l’Encyclopédie du jardin bio chez Larousse (échec, mais j’ai remplacé la colle à bois par de la farine) : l’idée est de faire germer des toutes petites graines de carottes et de trouver un moyen de les mettre en terre sans les casser. JM m’a dit que les carottes avait échoué aussi. Je me dis maintenant que je me suis peut-être trop acharné sur les buttes trop petites, difficiles à arroser : les semis sur les deux buttes plus grandes ont bien réussi. En maraîchage le semis de carottes est aussi un problème car on ne peut désherber à la faim, donc on doit respecter un timing très précis consistant à cramer au chalumeau le sol pour calmer les adventices, après avoir semer les carottes (je ne rappelle plus du délai). Et quand ça rate, ben les carottes seront noyées parmi les chénopodes et autres plantes. Donc il y a peut-être une réflexion à mener sur la mise en terre de petites graines germées. Pour les fèves, ne pas avoir peur de bien couper les têtes quand c’est le moment (j’ai eu beaucoup de pucerons qui s’y sont installés, et j’ai été certainement trop timide dans l’étêtage).

Pour le reste, comme dit JM, la nature est généreuse. Dans ce contexte particulier de jardinage occasionnel, je vérifie aussi la règle de notre maraîcher, toujours prévoir plus de plantations, pour être sûr d’avoir un minimum de quantité à manger. En un certain sens, la culture industrielle qu’est le maraîchage reproduit une partie des contrainte du jardinage occasionnel que j’ai pratiqué ces derniers mois, en cela qu’un maraîcher n’a pas le temps d’apporter beaucoup de soin à chaque plante. Mais la comparaison s’arrête là, sans doute.

Pour ma part, j’ai pris soin de devancer la décision de l’association des jardins et de laisser la parcelle de JM à d’autres amateurs, et repartant j’espère vers un volet plus social de la permaculture : étant donnée la forte demande de jardins familiaux en ville, comment aider les citadins qui déjà le souhaitent à s’approprier les quelques terres encore disponibles, et ensuite prenant appui sur cette expérience (on peut rêver), comment organiser une vaste émigration de la ville vers la campagne déserte ?

Deun

16 commentaires sur « Le jardin de JM – bilan de clôture 2008 »

  1. Un article du Monde aujourd’hui (ils ont sûrement lu notre discussion) :
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2008/09/02/15-000-personnes-veulent-s-installer_1090511_3224.html

    « Il serait faux de croire que le métier manque de candidats. Au contraire, ils sont 15 000 en permanence, pas seulement des jeunes, à attendre de pouvoir s’installer. Outre la constitution du dossier de financement, notamment pour obtenir des aides de l’Etat, qui peut être dissuasive, le futur agriculteur se heurte aussi à un obstacle de taille : l’accès à la terre. Chaque année, un million d’hectares sont cédés par des agriculteurs qui partent à la retraite, mais 10 % vont à l’urbanisation, 40 % à l’agrandissement de ceux qui sont déjà agriculteurs, et seulement 50 % à l’installation. Les terres à saisir sont rares et chères, et les exploitations, toujours plus grandes, sont aussi devenues inabordables. Quant aux maisons, elles sont souvent hors de portée, surtout dans le Sud ou en Bretagne. Les futurs retraités qui veulent louer des terres ont en outre tendance à préférer faire affaire avec un agriculteur voisin qu’avec un nouveau venu. »

  2. Je pense que la limite actuelle dans le développement d’une agriculture de subsistance avec faible outillage est (comme je le disais plus haut) le coût modique de certaines denrées de base quand elles sont produites de façon très mécanisées, ce qui fait qu’à l’heure actuelle c’est moins fatiguant physiquement d’acheter l’équivalent d’une heure de travail salarié en fayots que de les autoproduire, ce qui au final est un peu un cercle vicieux entretenant l’agriculture industrielle.
    Ma future récolte de haricots azukis confirmera ou infirmera peut-être cette impression, je vous dirai ça d’ici deux mois.

  3. En tout cas, si vous voulez vous lancer dans le tourisme rural (chambres d’hôtes et autres), c’est là qu’il faut aller :
    http://www.tourmagazine.fr/Tourisme-rural-la-Corse,-sur-la-premiere-marche-du-podium_a7488.html

    En plus, je suis persuadé qu’on peut réserver une bicoque sur la liste ci-dessous :
    http://www.lepost.fr/article/2008/08/31/1254881_battons-le-fer-tant-qu-il-est-chaud_1_0_1.html

    Tiens, une bien belle étude sur la manière dont on procède pour rendre constructible la terre entière, sur cette page (à voir absolument, c’est édifiant) : http://levante.fr/padduc/index.html

  4. Koldo :

    Ca dépend ce que tu appelles réappropriation. Pour moi tisser un lien d’amitié avec quelqu’un qui sait faire ce que je ne sais/peux/veux pas faire mais je peux aider régulièrement, c’est de la réappropriation. A mon avis la réappropriation c’est de l’apprentissage, 50% de technique autonomisante 50% de micropolitique. L’Amap est pertinente du côté du micropolitique (moins sur la technique, car une ferme Amap reste spécialisée sur un type de culture comme les autres fermes) parce que la taille du collectif permet potentiellement une participation des citadins pas trop lourde pour chacun, mais significative pour l’ensemble.
    Plus il y aura de participation, plus ce sera intéressant (quitte à sortir du concept Amap actuel) à tout point de vue.

    Ce potentiel n’est peut-être pas tellement utilisé aujourd’hui, mais il ne tient qu’à nous de l’activer, autour de l’idée non pas du travail payé ni du bénévolat, mais des activités de subsistance, la subsistance ayant la propriété de pouvoir être légitimement retirés de toute transaction marchande et toute valorisation monétaire, et d’avoir déjà une base existante à travers le travail domestique majoritairement féminin gratuit.
    C’est le courant de « la perspective de subsistance », voir ici :
    http://forum.decroissance.info/viewtopic.php?p=43007#43007

    (La situation est d’ailleurs particulièrement propice car c’est cette participation des citadins, combinée à un exode urbain même très modéré, qui peut faire sauter les contraintes techniques et économiques actuelles.)

  5. Alors je ne vois pas pourquoi on le regretterait si on aime les carottes : le goût et les pratiques culturelles ne peuvent pas trop entrer dans l’équation. Si le temps n’est plus de l’argent, ça ne pose vraiment aucun problème. La seule limite c’est les 24h d’une journée.
    Pour ma part je raisonne plutôt en effort qu’en temps. Un indicateur subjectif de ce que j’appelle effort est ma motivation à me lever une fois assis après m’être activé une demi-journée au jardin (une motivation faible signalant un long effort antérieur). Et j’aime bien que ce que je cultive m’apporte une alimentation permettant ces efforts, même si je n’en dépends pas (encore) de façon vitale.
    Bien sûr que le goût et les pratiques culturelles ne peuvent pas entrer dans l’équation, ces choses-là n’ont pas à être objectivées. Peut-être que certains prennent autant de plaisir à désherber des carottes que moi à me promener ou à jouer de la musique, et ils n’ont pas à se priver de leur plaisir. Mais s’agissant d’autoproduction alimentaire, je crois qu’il est bon d’avoir un seuil minimum de choses nourrissantes et faciles à cultiver (ex. dans mon cas panais, poireaux, fèves, bettes…) et un seuil maximum de choses que j’appelle « de luxe », c’est à dire qu’on aime bien mais desquelles on ne peut se sustenter (ex. dans mon cas tomates et piments).
    Vu ce que j’arrive à faire au jardin durant mes weekends et mes congés, je trouve que les 24 heures d’une journée peuvent être une limite réelle. En imaginant que mon temps (sommeil à part) hors travail salarié s’étend à la totalité de l’année, et en augmentant selon la même proportion la surface que je cultive, je ne suis pas certain d’avoir tant de marge temporelle que ça en autoproduisant tout.

    Quant à l’aide des amapiens dans les fermes, c’est un principe de base indispensable.
    Existe-t-il des Amaps produisant des haricots secs ou des lentilles? J’ai l’impression que la majorité des amaps produisent des légumes, j’ai aussi l’impression que la majorité des gens qui adhèrent aux amaps le font pour avoir des salades bios produites localement (les produits les plus populaires étant la tomate et la laitue) ; beaucoup moins dans une optique de réappropriation des conditions de producton de leur alimentation. Et si les amaps allaient au delà du maraîchage pour intégrer la production de céréales, de fabacées, de fourrage à volailles etc. le tout selon un mode faiblement outillé, ce serait plus intéressant, mais leur succès serait peut-être différent.

  6. tiens, votre discussion me fait penser à un mini documentaire sonore d’arte radio :

    Jardins Ouvriers

    http://www.arteradio.com/son.html?23934

    « Des jardins ouvriers près des cités à Saint-Denis (93). De vieux travailleurs turcs, portugais, espagnols ou maghrébins font pousser haricots et tomates.

    Ces lieux de socialité et de mémoire sont peu à peu détruits : on va construire à leur place les archives nationales. Collectage avant travaux. »

  7. Je ne sais pas si on peut dire qu’on fait de la permaculture aux Murs à Pêches.
    Les associations qui cherchent du monde ici offrent toutes la possibilité à des gens de venir s’occuper d’une parcelle bien à eux, sur laquelle ils peuvent produire pour leur consommation personnelle. Nous aussi.
    Ca n’empêche pas que sur les 5 zones qu’on avait délimitées cette année, j’en ai géré 3 moi-même, plus les zones non comprises dans ces parcelles. Chez nos voisins d’en face, il y a deux parcelles à l’abandon, deux autres très peu entretenues. Chez ceux d’à côté, les deux parcelles dédiées aux cultures sont loin d’être exploitées à fond. Il y a pourtant la possibilité de cultiver pour soi.

  8. Oui je comprends mieux ta réaction (et je suis d’accord avec ce que tu dis). Il y aurait une réflexion à mener là-dessus…

    Je précise quand même que les jardins familiaux en question c’est très différents des murs à pêches; il y a une appropriation individuelle, les jardins sont très productifs et bien entretenus, on ne compte pas ses heures, ce sont quasi exclusivement des hommes plutôt âgés qui s’en occupent, classes populaires. Voilà un public très différent de celui qui s’intéresse à la permaculture.

    On est là ni dans le salariat, ni dans le bénévolat, mais clairement dans de l’autoproduction, de l’autoconsommation et des cercles de dons entre jardiniers (semences, plants, organisation de fêtes de temps en temps incluant toutes les familles et connaissances, etc).
    [ Sur une méthodologie pour créer des jardins familiaux dans un quartier, on trouve des choses très intéressantes par le PADES (avec Daniel Cérézuelle), des retours d’expériences dans des Zup de Bordeaux. Voir leur site web où la documentation est abondante et orientée « pratique ». ]

    Pour moi ça me semble une erreur de créer des activités économiques agricoles aujourd’hui, par exemple par toutes ces usines à gaz pour installer des producteurs en zone péri-urbaines. Il faudrait mieux étudier les possibilités de créer beaucoup plus de jardins familiaux, gratuits (sauf l’eau), attribuer des parcelles de façon fine pour ne pas susciter de jalousie, et laisser carte blanche aux jardiniers. C’est infiniment plus simple techniquement que tout projet agricole où les contraintes sont de tous ordres…

  9. Ronchon, moi ? Tu me parles d’organiser une vaste émigration, et moi je remarque que les parisiens sont bien peu nombreux à être capables de mettre les mains dans la terre de manière un peu régulière. Tu me dis qu’il y a pénurie de jardins en région parisienne, moi, je vois toujours une pénurie de jardiniers. Actuellement, au Sens de l’Humus, on est 4 à travailler au jardin quelques heures par semaine, on pourrait facilement être deux fois plus, voire trois fois plus nombreux. Mais personne ne vient. Les deux associations voisines ont le même problème. Et le projet d’agriculture qu’on a à Montreuil pourrait occuper bien du monde, en bénévoles ou en salariés. Mais on est bien peu nombreux…

    Mais bon, si la vaste émigration est représentée par les quelques centaines de personnes qui mettent des annonces dans Passerelle éco, on est d’accord sur les chiffres…
    Je ne doute pas de la réussite d’un certain nombre de projets personnels de « retour aux champs ». Mais on parle en milliers, au mieux, pas en millions.

  10. merci à tous pour cet échange de réflexions pertinentes et passionnantes!
    je profite de ce commentaire pour vous signaler le blog qui accompagne nos propres expérimentations jardinières, largement inspirées du sens de l’humus :
    http://lacraba.blogspot.com/

    +

  11. Fabien :
    Je te trouve bien ronchon 🙂
    Ai-je dit qu’il y avait une exode urbain en vue ? Pas vraiment. Je constate simplement qu’il y a un désir individuel, un collection pour l’instant abstraite et statistique de désirs individuels, sans force.

    Passerelle eco ou les annonces de Terres de liens sont remplies de projets de personnes qui veulent encore jouer le jeu. Exactement comme les projets de chambre d’hôte.
    Il y aura forcément des conflits. Mais ils ne s’expriment pas tant que tout le monde est bien obéissant et qu’il y a la pain et les jeux. Les territoires sont là, vides ou exploités contre argent c’est pareil. Ils existent. Les barrières sont dans nos têtes. Mais il peut arriver un moment où les gens se diront qu’après tout le gros tracteur à 40000€ acheté avec les sous de la PAC, il est à eux, et tout le reste avec.
    « Organiser un exode urbain », ce n’est sans doute pas monter des projets, ni même aider à s’y retrouver parmi le dédale économico-administratif pour produire et vendre 3 carottes, parce que c’est ce dédale qui fait que les rêves individuels restent des rêvent individuels.

    Koldo : merci pour tes remarques.
    Dans l’idéal on devrait avoir beaucoup de temps pour produire ce qu’on aime manger, par exemple des carottes. Alors je ne vois pas pourquoi on le regretterait si on aime les carottes : le goût et les pratiques culturelles ne peuvent pas trop entrer dans l’équation. Si le temps n’est plus de l’argent, ça ne pose vraiment aucun problème. La seule limite c’est les 24h d’une journée.
    Par contre, quand on achète tout ça, le goût devient complètement hors-sol.
    Il nous manque l’idée d’une culture matérielle autonomie : ce n’est pas celle permise par la consommation déterritorialisée, ce n’est pas non plus celle du calcul local prenant en compte toutes les variables (une tentation de la permaculture).

    Quant à l’aide des amapiens dans les fermes, c’est un principe de base indispensable.

  12. Par ailleurs la dite « diagonale du vide » est peu peuplée mais n’en est pas pour autant inexploitée, du moins pour son extrêmité que je connais (les Landes), haut lieu d’agriculture industrielle où tout ce qui n’est ni habité ni couvert de pins est souvent un champ de maïs…

  13. « Selon cette source (*), sept millions rêvent de refaire leur vie aux champs… »

    Gérer des chambres d’hôtes, c’est refaire sa vie aux champs ?

    Selon ta source, 2500 seulement passent effectivement à l’acte chaque année.
    2500 privilégiés qui ont pu mettre quelques dizaines (centaines ?) de milliers d’euros de côté pour acheter une vieille batisse, la rénover et y accueillir d’autres privilégiés, un boulot plutôt sympa a priori. Mais dont très peu vivent effectivement.

    Je ne pense pas qu’on puisse appeler ça une émigration de masse, ni un véritable retour aux champs.

    Et puis, dans la diagonale du vide, les chambres d’hôtes, t’as intérêt à être bon, pour qu’elle ne soient pas vides elles aussi. C’est très vite déficitaire, un tel truc. Un coup à être obligé d’aller travailler tous les jours en voiture à 100 bornes de là…

    Désolé de te casser le moral, mais le retour aux champs, ça va rester un rêve pour l’immense majorité. Sauf s’ils viennent travailler au Sens de l’Humus, bien sûr.

  14. Mon idée était, dans l’optique d’une autonomie alimentaire faiblement outillée, de privilégier les plantes riches en protéines, lesquelles sont globalement absentes du panier Amap
    C’est là qu’on voit que la réappropriation de la production de nourriture touche ses limites dans les Amap : on peut « facilement » faire des courgettes pour 50 personnes, mais un seul paysan travaillant manuellement aurait du mal à faire des haricots secs pour le même nombre de personnes. Et je vois mal un intermédiaire entre l’achat de fabacées issues de cultures mécanisées, et la participation des amapiens dans la production et la récolte manuelles. Dans le second cas il faut être très motivés, vu le prix actuel des pois chiches et lentilles récoltées mécaniquement.

    il en résulte le dogme comme quoi jardiner c’est forcément dur (d’où le corollaire, les buttes permanentes, c’est n’importe quoi, puisque cela rend le jardinage plus facile).
    (« j’en chie donc je suis » comme disait Mona Chollet)
    Et le métaldéhyde, non? Si quelqu’un se met à ramasser les limaces à la main la nuit avec une torche, est-ce que du coup les autres modifieraient leur méthode pour faire moins « feignant ». Je me dis que peut-être pas, parce-que l’usage de métaldéhyde est implicitement admis par tous. Ce qui n’est pas (encore) le cas de la culture sur buttes.

    En maraîchage le semis de carottes est aussi un problème car on ne peut désherber à la faim, donc on doit respecter un timing très précis consistant à cramer au chalumeau le sol pour calmer les adventices, après avoir semer les carottes (je ne rappelle plus du délai). Et quand ça rate, ben les carottes seront noyées parmi les chénopodes et autres plantes. Donc il y a peut-être une réflexion à mener sur la mise en terre de petites graines germées.
    A la base je trouve que la carotte est une culture « de luxe », c’est à dire demandant beaucoup de soins au niveau du semis et du désherbage, demandant une terre particulièrement meuble, avec faux-semis préférable avant le début de la culture, et ne produisant pas grand-chose par rapport à tous ces efforts (le ratio production/effort est bien sûr subjectif).
    Et à une échelle maraîchère (genre produire des carottes pour 25 voire 100 personnes) faire lever des carottes et les désherber peut être assez proche de l’esclavage, du moins dans ma région sur des sols peu sableux avec un climat favorisant un enherbement rapide. Bien sûr il y a des variétés qui posent moins de contraintes (on m’a recommandé la « Rodelica », je sais pas si l’ortographe est correct). Mais globalement je préfère cultiver de la courge butternut (au goût, aux usages, et à la teneur en vitamines proches de la carotte), et du panais (goût différent de la carotte mais texture et usages semblables), qui sont bien plus productifs (et plus nourrissant dans le cas du panais) pour bien moins de boulot, et surtout qui ont la bienveillance de s’accomoder de la terre de mon jardin, qui est la plus ingrate de toutes celles enregistrées par la mémoire objectivement infaillible de Jeuf.
    C’est un exemple de compromis (comme mes histoires de plants de piments), c’est à dire soit vouloir un truc qu’on apprécie mais qui demande beaucoup d’efforts et de ressources, soit faire des choses de culture plus simple et fiable, dans lesquelles se pose la question de l’adéquation entre leurs saveurs et nos goûts (dont on remarque par la même occasion qu’ils n’ont rien de figé, mais ça demande un effort de curiosité qui n’est peut-être pas encore si généralisable que ça, mais si ça pouvait être le cas ça arrangerait plein de choses).

  15. « comment organiser une vaste émigration de la ville vers la campagne déserte ? »

    Déserte, la campagne ? Il me semble que les problèmes d’accès au foncier y sont aussi présents qu’en ville.
    Et pourquoi tu veux organiser une vaste émigration ? Déjà, qu’on aide tous ceux qui sont vraiment motivés à organiser leur projet, ce sera bien. Et à mon avis, on sera bien loin de la vaste émigration. Du moins dans les circonstances actuelles.

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