Au pied de mon arbre…

Au fond de la vallée en bas de chez moi, il a des prairies où viennent brouter les vaches. Ces prairies sont parsemées d’arbres, coupées de haies et sillonnées de ruisseaux. Le tout donne un ensemble un peu moins monotone qu’une étendue de pure prairie. De plus,du fait de cette diversité qui rend ce pays plus accueillant que les grandes plaines, d »autres productions que les vaches peuvent être extraites de cette campagne relativement préservée : des mûres début septembre (il n’y a pas, vraisemblablement, d’aspersion de produits chimiques), des champignons, des poissons dans les points d’eau,  ainsi que du bois de chauffage, notamment.

Précisément, les arbres dont il était question plus haut sont de vénérables chênes, pour certains plus que centenaires. Il ont été récemment élagués, et mon père a constitué des tas de bûches d’une part, et des tas de « brindilles », de rameaux de petite taille, d’autre part. Il était aidé par une hachette, des coins, une masse , et puis des outils avec des moteurs thermiques. Bon.
Les bûches seront montées un de ces jours près de la maison pour aller dans l’insert nous chauffer, et les tas de rameaux seront brûlés sur place, considérés indignes d’intérêt.

Pour ma part, je me suis avisé de m’occuper, dans une faible partie, des tas de rameaux. Les lecteurs de ce blog s’en doutent, il s’agissait pour moi de faire du BRF de chêne. Je ne m’attarderai pas sur ce sujet déjà largement étudié sur ce blog. Notons simplement que j’ai effectué une tâche de ramassage (très partiel) des tas de rameaux, sélectionnant les plus facile à ramener à la maison près de mon broyeur (électrique à 8 lames, puissance nominale 2kW), ce qui peut apparaître tout à fait farfelu à d’autre personnes du village s’ils me voient (surtout s’il ne connaissent pas le BRF, mais même si c’est le cas..). Je m’en occupe avec une exquise improductivité, remplissant et transportant une remorque à vélo en une heure et demi, de quoi faire une demi-brouette une fois broyé. Ce, parce que je n’admets pas du tout la conception de rameaux « bon à brûler », j’en ai sauvé un minimum. Et puis histoire de faire de l’exercice, de prendre l’air, ce que je ne parvient pas à faire sans motif d’activité. D’amortir la remorque à vélo. Etc.

Pour continuer de me justifier, je dirai que je n’ai pas de honte à être improductif. De toute façon, les outils productifs tels que les tronçonneuses, remorques à tracteur, batteuses, moisseuneuses…ont confisqué toutes les activités qu’on peut faire avec l’énergie humaine (scier, remorquer, battre, moissonner…), du coup comme pour assurer sa survie il n’y a plus cela à faire (tant qu’on gagne quelque sous en ville et qu’on les gère bien), on peut prendre le luxe d’être improductif, en s’occupant de brindilles, ou rêvant avec des feuilles de saule comme déjà le poète Chateaubriand.
J’aimerai là faire part d’autres réflexions qui me sont venus à l’occasion de cette activité de tri des rameaux. Ces fameux chênes, même centenaires, mon père en avait abattu certaines années précédantes. Il les trouvait malades, il me justifiait ainsi ces mises à mort. Moi je n’étais pas d’accord avec cette conception, étant plus jeune, je ne les voyais pas « malades ». Je tenais à ce soient gardés ces êtres vivants. Même si de prime abord ils apparaîssent peu intéressants, peu loquaces, ne fournissant même rien de comestible,  en plus d’être (ce que je comprend maintenant) les ennemis de choses sérieuses comme la production de valeur ajoutée exportable de mon village, à savoir la viande de vache, en ralentissant la croissance de l’herbe sous la surface de leur ramage.

Mais après tout, peut-être sont-il bien « malades ». En témoigne toute la mousse de champignon qui les couvre, non? Enfin, n’y en a t-il pas sur tous les arbres? Ceci serait à observer. En tout cas, de la mousse sur les rameaux, il y en a plein. Les branches n’apparaissent pas bien fraiches, pas terrible pour du BRF. L’élaguage date d’il y a moins de deux semaines, et il y a quelque bourgeon peu vifs.

Prenant toujours mon temps, j’ai pensé à ceci : mon père et plusieurs voisins ont badigeonné à la chaux leurs troncs d’arbres de verger, de jardin au début de ce printemps. J’ai pensé que c’était la mode…
Sur le pot de badigeon, j’avais lu que le caractère alcalin de la chaux permettait d’empêcher le développement les champignons, insectes des arbres…et ça a l’air en effet efficace déjà pour les champignons, qui recouvrent beaucoup les troncs de nos arbres de vergers, notament les cognassiers…sans que je sache si cela leur nuit vraiment ou pas, si cela est corrélé ou pas à la baisse de rendement de coings contasté ces dernières années.
Je songe que les chênes au fond de la vallée ont vécu longtemps et qu’il n’est pas normal qu’ils soient si nombreux à être malades « soudainement » (un vingtaine d’année c’est peu dans leur vie), si c’est le cas, et si un des symptômes soit le recouvrement de mousses jaunes. Je songe par ailleurs que si la chaux tue la mousse, c’est que cette dernière apprécie les milieux acides, et que s’il elle se développe sur les chênes et autres arbres, c’est peut-être qu’au fond de la vallée (et dans les jardins), la terre s’acidifie, et les chênes vénérables sont de moins en moins en équilibre avec leur sol. On dira ensuite, selon qu’on ait un point de vue « pasteurien » ou holiste : alors que le milieu, c-à-d le sol, s’acidifie, les arbres sont moins aptes à lutter contre les champignons; ou bien la mousse vient compenser un déséquilibre qui serait pire sans elle.
Bref, laissons là le débat de l’interprétation de la mousse. Si cela est vérifié, que la mousse ne viennent que sur les arbres terres acidifiées, j’incrime alors dans l’acidification des prairies : les vaches, et le manque de rotation dans le type de paturage mis en oeuvre (puisque la plupart des paysans font dans mon village du « vache sur vache » ou du « mouton sur mouton », tout comme on reproche à des céralier de ne pas faire de rotation, avec du « blé sur blé », du « maïs sur maïs »). Je crois savoir qu’un paturage de mouton basifie les sols, et alterner les broutages en vaches et moutons pourrait peut-être enrayer le phénomène d’acidification, et par là même de mort lente des chênes, un à un, mort qui est précédée de divers symptômes comme la mousse sur les rameaux. Avant cela donc, la mousse attaque les arbres eux même affaiblis par un sol rendu acide par le mono-paturage de vache. Tout ceci est hypothèses.

Sur le chemin du retour, trainant ma cariole à vélo sur le kilomètre de route valonnée dans la peine infinie de cette tâche non assistée par un moteur thermique (nan je plaisante), je passe devant un champ que je sais brouté régulièrement par des moutons. Je me dis, que je pourrai vérifier l’hypothèse ci-dessus en allant jeter un oeil sur les rameaux des arbres de ce champs. Et je me dis que je n’aurai probablement pas penser à cette idée, si je ne faisais pas attention à mon environnement et allant plus vite en conduisant une voiture. Finalement, l’improductivité, ça a du bon : sans ça je n’aurai pas tant réfléchi à la mousse sur les rameaux que je maniais, à l’histoire de ces chênes, ou à la façon de trouver des pistes pour enquêter sur le sujet que je pose là.
Demain, j’irai explorer les environs, notament les champs de moutons, en regardant les branches et les mousses, en ayant cette hypothèse à l’esprit, cherchant des éléments qui la confirmeraient ou l’infirmeraient. L’aventure reprend.

7 commentaires sur « Au pied de mon arbre… »

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  2. On a aussi cru autrefois, que les mycorrhyses faisaient du mal aux arbres alors qu’ils vivent en symbiose.
    Même nos virus nous sont peut-être utiles, qui sait ?
    Notre société veut tout désinfecter, c’est une obsession qui risque de nous coûter cher !
    Adèle

  3. C’est pas comme ça qu’on sauvera le monde de la famine, jeune homme.
    Sinon, je te croyais plus pur que ça : un moteur de 2kW, c’est une concession honteuse à la modernité. Et nucléaire, en plus.

  4. Je t’y prends Jef à faire moult activités tout à fait improductives.
    En ville on peut faire aussi tout un tas d’activités d’observations mais ton terrain de jeu m’interresse, il faudrait que tu me montres ton village, une fois, si tu veux bien… (Et hop, un projet de plus ?)
    Un beau texte en tous cas.

    A bientôt

  5. Bonjour,
    Je ne pense pas que la mousse (ou les lichens ?) soient mauvais pour les arbres, elles peuvent même les protéger des agressions de la pollution athmosphérique ou d’un excès d’humidité. Les lichens seraient même un bon indicateur d’une bonne santé de l’environnement, étant fragiles en cas de pollution. Comme les deux poussent aussi sur les arbres moribons, on fait trop vite le parallèle avec une maladie de l’arbre : http://www.gerbeaud.com/jardin/jardinage_naturel/lichen-mousse-parasite-arbre.php

  6. Waouh ! Je vois que je ne suis pas la seule à cogiter dans mon coin et à élaborer des théories farfelues (ou pas !)… C’est rassurant.
    Concernant la mousse, ici il y en a partout sur les chênes, qui sont petits (mais ça c’est normal sur les causses calcaires) et en pleine forme ! Mais je ne crois pas qu’elle soit jaune ceci dit…

  7. Alors?

    Concernant la mousse, l’hypothèse est infirmée rapidement. Elle vient aussi sur les arbres des sols brouté par le moutons. Peut-être moins?

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