Pour la troisième année consécutive, Le Sens de l’Humus (association des Murs à Pêches), impliquée sur le terrain écologique, social et agricole à Montreuil, va semer du blé ancien dans la ville.
En partenariat avec le service des Espaces Verts, c’est plus de 1 500 m² qui vont être plantés dans un parc public et sur une surface dix fois plus grande que celle des années précédentes.
Loin des paillettes médiatiques du développement durable, cette action doit servir avant tout à renouer avec des pratiques agricoles ancestrales, disparues dans nos villes depuis des décennies du fait d’une dépossession liées à plusieurs facteurs : urbanisation accélérée, disparition progressive de la paysannerie au profit d’une agriculture industrielle et intensive, conditionnement des pratiques alimentaires par la grande distribution et la publicité…
Les villes-mégalopoles où nous habitons n’ont en effet, quasiment plus aucune autonomie alimentaire et dépendent presque à 100% des transports routiers pour la subsistance de leurs populations (l’Ile-de-France n’a environ qu’1% d’autonomie alimentaire !). Qu’en sera-t-il le jour où le pétrole viendra à manquer ?
Il s’agit également au travers de cette action de promouvoir la biodiversité cultivée. Il faut savoir que les pratiques paysannes respectueuses de la diversité et des écosystèmes n’ont cessé d’être attaquées depuis la fin du 19ème avec une accélération à partir de l’après guerre. Des milliers de variétés paysannes, représentatives de la diversité des terroirs, des cultures, de l’adaptabilité des plantes et garantes de l’avenir, ont été remplacées par quelques variétés hybrides ou standardisées et protégées par des droits de propriété intellectuelle. Le paysan n’est plus libre de cultiver ses propres semences comme il le souhaite, il est désormais soumis à un ensemble de contraintes et d’obligations légales qui vont en s’accentuant et qui profitent surtout à l’industrie semencière.
De plus, ces blés « modernes » dont est issu le pain que nous mangeons ont été modifiés (pour des raisons industrielles : augmentation des rendements, facilité de panification…) à une vitesse qui n’aurait pas permis à nos organismes de s’adapter. Les intolérances multiples, au gluten notamment, pourraient bien en être la conséquence. Ce qui n’est pas le cas des blés anciens, plus digestes et dont les qualités nutritives sont largement supérieures.
Afin de dénoncer cette appropriation du vivant par un petit groupe de multinationales, nous vous proposons de venir participer à ce semis collectif d’un blé de printemps. Non transformé, sans OGM, libre de droits de propriété, il se sème et se ressème gratuitement et n’a pas besoin d’engrais chimiques pour pousser.
Nous voulons également au travers de cette action, alerter sur notre responsabilité pour les générations futures, les terres de culture sont aujourd’hui dans un état totalement déplorable et notre alimentation en dépend.
Il est aujourd’hui urgent de se réapproprier les savoir-faire agricoles et de reprendre la main sur notre alimentation.
C’est ce que s’efforce d’ailleurs de faire ces deux petites structures montreuilloises, la boulangerie coopérative « A la conquête du pain » qui fait un délicieux pain biologique et l’association « Salut les Co-pains » qui a un four à pain collectif grâce auquel, ces blés de Montreuil seront transformés en pain et partagés à l’automne 2011 dans le cadre d’une belle fête populaire.
Et dans l’attente de ce partage à haute valeur symbolique, venez nous rejoindre pour semer ces blés avant de pouvoir cet été, « les regarder danser sur leurs hautes pailles, les écouter bruisser au vent, en observer la diversité des formes qu’ils esquissent, en découvrir les nouvelles formes qui apparaissent au hasard des croisements naturels… Et se laisser ainsi émerveiller par leur beauté, se laisser toucher par ce qu’ils ont à nous dire. » (1)
Retrouvons-nous le samedi 2 avril vers 14H00 au Parc des Beaumonts, rue Paul Doumer juste après le lycée horticole (n°16) en direction de Fontenay-sous-Bois, pour semer avec nous ces variétés de blés anciens et paysans.
(1) Elise Demeulenaere, préface, « Voyage autour des blés paysans », Réseau Semences Paysannes, Langlade, 2008.