Du bon usage de la biomasse végétale ligneuse (2/2)

Comme mentionné dans la première partie de cet article, j’ai consacré du temps à faire du paillage avec les tailles.

Toutes ces manœuvres ont-elles un intérêt dans le cadre de l’enrichissement du sol en matières utiles pour celui-ci ? J’ai souhaité connaître la contribution des opérations en masses de matière, par quelques mesures. Ce qui pose de multiples problèmes, car c’est surtout de l’eau que nous avons dans cette matière. Pour des mesures homogènes, et parce que je n’ai rien pour extraire toute l’eau, j’ai surtout pesé des collectes fraîches : branches et feuilles, le tout plein d’eau. Or on parle le plus souvent, en agronomie, j’imagine, en masse sèche.

Quoiqu’il en soit, voici les résultats obtenus. Il est à noter que par manque d’eau au printemps, la pousse des haies fut relativement faible cette année. Les plus gros diamètres de branches, sur la haie de charmilles (le propos porte surtout sur celle-là), atteignent 12mm, peut-être moitié moins que les autres années.
Malgré cela, il a été possible de recueillir, sur une haie de charmilles de 2 m de haut, 1,2 m de large (une fois taillée) , sur 10 m de long : 8 kg de matière fraîche sur la face sud, et autant sur la face nord. 10kg sur le dessus.

Chantier de taille, quelques outils. La face sud est finie, le dessus est en cours.

Les branches du dessus sont plus longues et larges. Et on constate donc que le bois pousse autant côté nord que côté sud, si mon protocole de mesure est correct (et cela semble confirmé, si on exclut l’hypothèse d’une coïncidence, dans le fait de trouver dans les deux cas la même masse).
Globalement, cela fait 2,6 kg de matière fraîche par mètre, produite cette année. Cela exclut celle que le tronc a pu constituer, et les branches intérieures qui n’ont pas été coupées.

Pour du bois vert, il y a environ la moitié du poids qui est constituée d’eau, d’après diverses sources. Avec les feuilles, encore plus.
Combien? Je ne sais. Quelques mesures d’évaporation donnent les valeurs suivantes. Mesuré sur un échantillon de 220 g initialement (petit bois et feuilles), après 24h de séchage il a perdu 40 % de sa masse.

Concernant la proportion de feuilles, elle a aussi été pesée, sur des échantillons de 250 g de matière fraîche. Les feuilles représentent environ 64 % de la masse des petites branches (c’est-à-dire la plupart). Plus les branches sont grosses, plus la proportion en masse des feuilles est faible (30 % pour des branches de 10 mm de diamètre), et moins ces branches et feuilles sont couvrantes en tant que paillage : ainsi se trouve justifiée une pratique que j’effectuai intuitivement : broyer les plus « grosses » branches, et étaler directement les petites, en paillage avec leurs feuilles.

Il est préférable d’étaler au plus vite les branches après la taille. Les feuilles sèchent rapidement (quelques heures, surtout au soleil et non mises en tas), et alors se détachent des branches et tombent en poussière. Ce ne serait pas pratique du tout pour le transport et l’étalage. Une fois en place sur le jardin, on évite de les faire tomber en poussière, et si c’est le cas, ce n’est pas perdu pour la terre du jardin.

Pour couvrir le sol du jardin, avec une bonne épaisseur laissant peu de trous, 8 kg de branches fraîches conviennent pour un peu plus de 4 m², une demi-brouettée. Nous dirons : 2 kg par m².
Avec du broyat de grosses branches et quelques feuilles, on est de l’ordre de 2,5kg/m². C’est beaucoup plus important en termes de matière organique, si on considère que ce broyat contient moins d’eau que les petites branches (<5mm).

Tous ces détails ont de l’importance dans la manière dont je gère le bois, car je n’ai qu’un petit broyeur, faible débit. De plus, il consomme de l’énergie, et broyer prend du temps (environ 1 heure pour 50 kg de matière fraîche). Il s’agit de l’utiliser à bon escient. D’aucuns utiliseraient un gros broyeur rapide et broyeraient tout ; dans mon cas,  je prends le temps de réfléchir à la meilleure utilisation de la ressource, dans les conditions qui me sont données. Même si la consommation unitaire d’un gros broyeur est moindre, j’utilise probablement moins d’énergie pour un résultat similaire.

Une question qui me tarabuste un peu est la contribution au sol de ces apports de paillage. Partant de 2,5 kg/m² de matière fraîche, on peut enlever la moitié (au moins) avec l’eau.
Suivant diverses sources, la quantité de carbone dans le bois représente environ la moitié de la masse anhydre. Le reste, je ne sais ce que c’est, même si une partie est certainement intéressante pour les futures plantes (les éléments qui ne se trouvent pas dans l’atmosphère).
Le carbone est-il bien tout humifié? ou y en a t-il une partie qui fossilise, c’est-à-dire qui devient inutilisable pour les êtres vivants? Est-il incorporé au sol pour des décennies ? Quelle partie est consommée par la flore de décomposition ? sur ce dernier point, on peut penser que c’est moins que dans un compost, car il n’y a pas de montée en température.
Enfin, les branches qui représentent la plupart de la masse sèche, sont retirées parce que non décomposées.
A la louche, on tombe peut-être sur 50 à 200 g de carbone au m². En utilisant d’autres unités usuelles en agronomie : 0,5 à 2 tonnes à l’hectare.

Remorque à véll
La remorque. 19 kg (comme vu dans un précédant article) contient 16 kg de broyat légèrement tassé, pour un volume d'environ 0,1 mètre cube. On en déduit une densité de 160 kg/m3 pour le broyat.

La haie bocagère contient de nombreuses espèces, ce qui est évidemment fort utile pour la biodiversité.

Des espèces comme le frêne, le noisetier, fournissent des branches longues rectilignes, très intéressantes pour le ramassage, le paillage, et pour faciliter un éventuel broyage.

Types de petites branches. A gauche, celles qu'on ne trouve pas en haie bocagère. Ont échappé à la photo les espèces épineuses.

Un inconvénient majeur vient toutefois de la présence d’espèces épineuses, TRES épineuses : mes bras et mollets s’en souviennent. Ronces, églantiers, et surtout « buissons », une des deux espèces que je n’ai pas identifiées ( prunelier, aubépine ?). Même broyées, on ne peut les mettre dans le jardin sous peine de risquer de blesser le jardinier. Par ailleurs, le broyage est moins aisé, d’autant plus s’ils n’ont pas de partie rectiligne.

Branches épineuses, à gauche entières, à droite passées au broyeur

Cela ne doit pas être une raison de leur réserver un sort funeste et vil : le brûlage en plein air.

Si l’on craint ces épines, des haies sans ce type d’espèces peuvent être plantées, et d’abondants ramages seront obtenus, pour fourrage, humus exporté, ou de préférence, paillage au pied même des haies.

Sinon, d’autres méthodes proposées dans la première partie de l’article sont valables (https://senshumus.wordpress.com/2011/09/05/du-bon-usage-de-la-biomasse-vegetale-ligneuse12/ )

D’aucuns reprochent, dans ma campagne, l’épandage de lisier dans les champs, comme source de nuisance olfactive. Or parfois ces mêmes personnes font brûler de la biomasse plus ou moins ligneuse, répandant aussi une odeur de fumée à des centaines de mètres à la ronde, tout à fait désagréable. Ces deux sources de pollution locale relèvent de la même logique : le fait de ne pas prendre le temps d’équilibrer le carbone avec l’azote, de vouloir se débarrasser de matières qui, bien gérées, sont fort intéressantes pour enrichir le sol et sans nuisances. Trop d’azote dans le premier cas, trop de carbone, dans le second.

Suivant « La belle au bois dormant en terre d’Allier » (op. cit. in https://senshumus.wordpress.com/2011/08/24/de-la-cueillette-des-baies ) « [après la seconde guerre mondiale], l’arbre a donc quitté le monde paysan, remplaçant les bocages par de mornes plaines. Aujourd’hui cependant, l’arbre reprend timidement sa place dans l’agriculture : il faut voir dans ce phénomène une reprise du progrès technologique après quelques décennies d’obscurantisme industriel. » On ne peut que souhaiter que le retour du bocage soit associé à une mise en oeuvre d’amélioration des sols par les plantes ligneuses, lors de leur pousse et de leur éventuelle taille.

Un avis sur « Du bon usage de la biomasse végétale ligneuse (2/2) »

  1. Salut les jardiniers !

    Pourquoi ne pas transformer en charbon une partie des végétaux ? Les champignons aiment cet élément qui leur apporte logis et nourriture, et qui est très persistent dans le sol. C’est un peu comme de l’humus dopé !

    Le charbon végétal relève légèrement le pH, augmente la capacité d’échange cationique du sol, améliore l’aération et la capacité de rétention d’eau de la terre.

    Un peu de BRF pré-composté, un peu de compost mûr, un peu de charbon, un peu de purin de plantes : la recette du succès ?

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